Une vie comme un été ne parlera, peut-être, qu’aux plus âgés. Barbara Yelin et Thomas Von Steinaecker décrivent, avec pudeur et grâce, l’indicible. Ils affrontent le tabou de la fin de vie, ces dernières semaines où le vieillard s’effondre, se recroqueville, s’immobilise et se perd dans son propre silence.
Il ne suffit pas de compter parmi les romanciers reconnus pour réussir un scénario de BD, l’exercice est différent. Thomas Von Steinaecker a su tailler dans son texte pour laisser toute la place à son illustratrice. Le romancier décrit quand l’illustrateur suggère. Le dessin est un art de l’épure, de l’ellipse et du retrait. Quel autre artiste pourrait, en moins d’une page, raconter une enfance difficile ?
L’Ehpad est une école de la solitude. Les amis sont morts, les enfants lointains, les voisins aphasiques et le personnel pressé… Madame Wendt ne vit plus que de ses souvenirs. Il lui suffit d’un rien, une fragrance rare ou un bruit dans le couloir, pour redevenir la petite Gerda. La personne âgée ne retourne pas en enfance, mais revisite sa mémoire. Madame Wendt est tout à la fois la petite Gerda introvertie, l’étudiante brillante et solitaire, l’épouse heureuse, puis délaissée. Elle revit les petites décisions de sa vie aux grandes conséquences, sans regrets, ni remords. Gerda a aimé son musicien. La jeune fille l’aime encore. La vieille femme est seule, face aux étoiles… La mathématicienne joue avec les nombres… Elle ne marchera plus. Un renoncement de plus. Elle s’endort…
Le trait de Barbara Yelin est faussement naïf. Il est précis et les expressions toujours justes. Gerda est pensive, admirative, amusée, amoureuse, trompée, triste et si seule… Toute de sobriété, la fin est bouleversante.
Admirable.
Stéphane de Boysson
Une vie comme un été
Scénario : Thomas Von Steinaecker
Dessin : Barbara Yelin
Editeur Delcourt
80 pages couleurs – 15,95€
Parution : 29 août 2018