Une bien mauvaise idée que cette « transformation » des meilleurs titres du répertoire de Echo & the Bunnymen, avec une production incohérente qui fait de The Stars, the Oceans & the Noise une déception sévère pour les fans restants du groupe anglais.
Credit photo : Masao Nagasaki
Il est parfois douloureux d’accompagner jusqu’au bout un groupe qui ne veut pas mourir, mais qui se meurt quand même. Echo and the Bunnymen fut très vite l’un de nos groupes préférés lorsque déferlèrent sur l’Angleterre ses vagues psychédéliques furieuses, associant la modernité de l’alors nouvelle vague, qui succédait à l’explosion punk, avec un respect vaguement impertinent pour un héritage improbable de la musique californienne (les Byrds, les Doors). Le groupe resta magnifique au cours de longues années parsemées d’albums notables, survécut même à la mort accidentelle de son batteur bien aimé et à une reformation qui fut l’une des rares à être réellement réussie. Son arrogant mais fascinant leader, Ian McCulloch, éleva peu à peu la musique d’Echo vers un classicisme élégant, grâce à un chant de plus en plus souverain, et aussi, peut-être, à son admiration pour Cohen. Puis, au fil des années, l’inspiration s’épuisa, les disques se firent plus anecdotiques, les concerts moins fantastiques. Mais notre amour pour ce groupe que nous étions si peu à savoir essentiel ne se tarit jamais…
…jusqu’à ce jour maudit de 2018 où nous écoutâmes The Stars, The Oceans & The Moon et réalisâmes que le temps avait finalement fait son ouvrage, et qu’il était grand temps de faire notre deuil. Il y a d’abord ce concept de « transformer » les meilleures chansons du répertoire d’Echo pour nous offrir une sorte de vrai / faux « best of » sensé faire passer le ressassement de la grandeur passée pour une réinterprétation actualisée de cette œuvre qui n’en a nul besoin : il est évidemment impossible de tirer le moindre plaisir à l’écoute de ce massacre révisionniste (qui rappelle d’ailleurs un peu le « travail » d’un Manset qui ne cesse pas de vouloir moderniser ses classiques alors que personne ne le lui demande rien !), puisque les originaux sont grandioses et que leur réécriture les réduit systématiquement à de simples chansons anodines, dans lesquelles on cherche la plupart du temps en vain la sombre beauté de leurs origines. La faute en revient bien sûr d’abord à l’absence d’un véritable groupe qui conférerait une véritable personnalité à ces morceaux « transformés », puisque Echo est réduit depuis longtemps au tandem McCulloch – Sergeant, et que ce dernier semble absent de cet album, ou au moins avoir renoncé à ses fameux effets flamboyants… De plus il est très vite évident que nulle inspiration nouvelle ne sous-tend ce travail de réinterprétation, que nulle logique n’est appliquée ici : on a juste affaire à un processus simpliste du genre « qu’est-ce qu’on pourrait changer pour que ça ait l’air d’une nouvelle chanson sans pour autant perdre l’attrait « commercial » de l’original ? »… le tout porté par une production déficiente, démembrant encore plus le résultat de ces élucubrations stériles . Ainsi le passage au tout électronique de la naguère sublime Bring on the Dancing Horses, en ouverture de l’album, traduit une bien pauvre tentative de capturer un air du temps que Echo n’a pourtant jamais eu besoin d’incarner. A l’opposé, l’album se clôt très honorablement sur des versions finalement très fidèles des meilleurs titres (The Cutter, qui reste heureusement orientalisant, en ne laissant sur le carreau que sa puissance originelle, Ocean Rain et The Killing Moon dans le plus simple appareil, qui leur va bien…), ce qui prouve par l’absurde que, de transformation, le song book de Echo and the Bunnymen n’a aucunement besoin !
Devant la déception que provoque l’écoute successive de ces morceaux que nous avons tant aimés, qui ont même été tellement importants pour nous quand on parle de ceux du merveilleux Ocean Rain, on se demande si cette approche n’aurait pas eu quand même plus de chance de fonctionner si McCulloch l’avait appliquée à des titres « secondaires » de sa discographie, auxquels il se serait agi de donner une seconde chance en révélant un charme qui était passé inaperçu à l’époque de leur publication ? Mais, enfin, les « victimes » ici se nomment Rescue, Zimbo, Seven Seas, Rust, et tant d’autres merveilles qui sonnent désormais de la plus banale des façons !
Nous espérons donc que cette impasse marque la fin trop longtemps différée de Echo and the Bunnymen. Nous n’avons en revanche rien contre l’idée de revoir sur scène un Ian McCulloch réapparaissant sous son propre nom, et interprétant en « version unplugged » (comme on disait jadis) certaines de ces chansons, voire évidemment de nouveaux morceaux (les deux seuls inédits sur l’album, The Somnabulist et How Far?, pour manquer de direction, n’ont rien de honteux…). Les limitations de l’âge peuvent être fécondes quand elles se dévoilent avec honnêteté et avec humilité : l’amour de Ian pour Cohen pourrait lui servir de référence en la matière ! Il ne sert à rien de nier que rien n’est plus comme avant, de prétendre que l’on peut encore agiter comme une marionnette le souvenir d’un groupe défunt, comme Ian le fait vainement sur The Stars, the Oceans & the Noise.
Echo & the Bunnymen – The Stars, the Oceans & the Noise
Label : BMG
Date de parution : 5 octobre 2018