Elvis Costello est de retour après 5 ans de silence ! Et c’est une vraie occasion de se réjouir… même si Look Now est loin de renouer avec le brio mélodique des grandes années.
Credit photo Diaz Lamich / Wikimedia
Notre époque à la nostalgie éminemment sélective accorde actuellement peu de crédit à Elvis Costello, qui fut pourtant l’un des compositeurs les plus importants de son temps, le seul un tant soit peu comparable à un McCartney (avec qui il collabora d’ailleurs…). Il faut donc rappeler que, au milieu d’une bonne dizaine d’albums essentiels, This Year’s Model fut le mètre étalon de la new wave pop, et que Imperial Bedroom, classique des classiques produit par l’immense Geoff Emmerich, fut un moment classé comme « l’album de la décennie ». Conjuguant textes percutants usant d’un vocabulaire complexe, jamais encore entendu dans la pop ou le rock, et mélodies accrocheuses, Elvis Costello marchait tout simplement sur l’eau…
Et puis, inévitablement sans doute, la plume s’émoussa, l’inspiration se tarit, les albums se firent un tantinet ennuyeux, même si Costello se débattait comme un beau diable en allant explorer une multitude de territoires musicaux presque « exotiques » (jazz, musique classique, americana, muzak, n’en jetez plus !) sans jamais retrouver la furie élégante de ses années avec les Attractions… Avant de rester silencieux pendant 5 ans, en partie semble-t-il pour des raisons de santé.
Look Now marque donc son retour aux affaires, accompagné cette fois par The Imposters, une version légèrement remaniée des Attractions (Bruce Thomas remplacé à la basse par Davey Faragher) déjà responsable d’albums pas très intéressants comme Momofuku et The Delivery Man… Et, d’une manière que l’on peut juger surprenante, la critique mondiale de s’enthousiasmer, et de célébrer d’une seule voix – sonnant désagréablement comme une répétition docile d’un dossier de presse bien assimilé -, un album qui serait un nouvel Imperial Bedroom en plus « mûr » et plus « soft » !
Or des écoutes répétées de Look Now ne dévoilent en fait aucun trésor caché, aucune gemme mélodique digne de la grande époque de leur auteur, ce qui fait que, une fois encore et malgré la sympathie que l’on éprouve pour Elvis, une vague indifférence, voire un ennui poli s’installe au fil de morceaux trop longs d’un album qui s’éternise. Oh, voilà un disque magnifiquement réalisé et produit, avec un Elvis toujours impeccable vocalement et un groupe faisant briller de mille feux ce soft rock classieux, baigné de soul éternelle et de jazz instruit ! Mieux encore, le talent de parolier de Costello brille encore, chaque chanson ou presque s’apparentant une scénette théâtrale ou bien à la mini-chronique d’une vie, un peu à la manière du travail d’un Ray Davies, avec néanmoins plus d’emphase sur les drames émotionnels et les tragédies intimes… et moins d’humour : ainsi I Let the Sun Go Down parle d’un nostalgique de l’Empire Britannique, Stripping Paper des souvenirs d’une vie disparue réapparaissent alors qu’une femme au foyer arrache des couches de papier peint, tandis que Photographs Can Lie entrouvre une terrible boîte à secrets familiaux. Souvent féminins, les personnages de la triste comédie humaine que continue de créer Costello sont LA grande raison d’écouter – et attentivement encore – Look Now…
Parce que, malheureusement, le talent mélodique de Costello pointe ici aux abonnés absents, et chaque chanson ne fait que reprendre de manière mécanique les trucs jadis flamboyants d’un compositeur qui compta vraiment mais n’est plus que l’ombre de lui-même. Bien sûr, on nous rétorquera qu’il s’agit là de musique « adulte », et qu’il n’est plus question pour Costello, et ce depuis belle lurette, de descendre au lance-flammes ses contemporains. Certes, mais nous répondrons que c’est aussi contre ce Rock ronronnant et de bon goût que s’était dressé le punk rock en 77, et que c’était en redonnant sa juste place à la mélodie que la new wave avait scintillé de mille feux, deux mouvements dont Costello fut l’un des plus brillants phénomènes.
Il ne nous reste plus qu’à espérer que l’énergie et l’émotion à fleur de peau qui caractérisent Costello sur scène seront toujours d’actualité, et que nous pourrons mieux juger en live de l’efficacité et de la pérennité de ces chansons un peu trop tièdes.
Eric Debarnot