Rien ne laissait penser que le courant allait passer entre l’ex-chanteur de Taxi Girl et le troubadour anglais Bill Pritchard. Contre toute attente, une alchimie singulière s’est créée autour de guitares limpides, d’arrangements en classe économique et de chants intimistes. C’était en 1988. Parce Que venait de sortir en édition limitée.
Août 1988. Depuis quelques semaines Daniel Darc occupe un appartement à Bruxelles. Sa signature sur le label Belge Play It Again Sam (PIAS) l’avait poussé à quitter Paris, motivé aussi par une envie (d’essayer) de tourner le dos à ses démons et pour mieux préparer la sortie de son premier album solo, le bien nommé Sous influence Divine. Bill Pritchard, anglais francophile, qui avait adoré le titre Paris de Taxi Girl, contacte le fantomatique chanteur. La rencontre débouche sur un enregistrement qui dura huit jours dans les studios ABS de la capitale Belge.
Dans une formule épurée, les deux musiciens s’entendirent. Accompagnés d’une guitare, d’une boite à rythme et d’un synthétiseur, ils vont déshabiller quelques reprises et composer rapidement. Pendant que Bill Pritchard se concentre sur la musique, Daniel Darc écrit et traduit les paroles. Ils chantent tour à tour douze titres sublimés par une mélancolie transportée. Emprunt d’un romantisme noir et rouge, l’écriture à deux mains n’a rien de complaisant et explore les failles relationnelles de l’âme humaine.
Les références sous-jacentes à l’homosexualité sur D’autres Corps et We Were Lovers obligent les deux musiciens embarrassés à se justifier dans la presse. Chacun le fera à sa manière. Bouleversant sur Lydia et Aimer A Nouveau, le duo s’approprie tour à tour les chansons et laisse les mots s’expliquer.
L’adaptation géniale du titre Stephany Says du Velvet Underground en Je rêve encore de toi impressionne tant elle garde la délicatesse de l’original. Elle est considérée comme l’une des meilleures reprises françaises du Velvet à ce jour.
La session d’enregistrement se passe dans un climat studieux et de concorde, à l’image de la superbe photo de la pochette signée P.Carly. Dans cette nouvelle réédition version Deluxe, des titres inédits sont dévoilés. Nijinsky apparaît sous son premier nom Myinshi, dans une version pas complètement aboutie mais intéressante pour les Darc-addicts. On y retrouve aussi une reprise bien sentie des Jesus And the Mary Chain en VF avec Haute Surveillance.
Si la production parait légèrement surannée avec cette réverbération un peu kitsch, les chansons mettent autant à nu leurs auteurs que leurs instruments.
Cette intimité musicale, on la retrouvera vingt ans plus tard entre Frédéric Lo et Daniel Darc et qui aboutira à Crève Cœur, l’album du retour en grâce de l’ange damné du rock français.
Mathieu Marmillot
Daniel Darc & Bill Pritchard – Parce Que
Label : PIAS Le Label
Sortie le 28 septembre 2018