Après 12 Years a Slave, Steve McQueen propose cette fois un film de commande, un thriller classique et carré à la fois intelligent et divertissant, porté par une solide distribution.
On n’attendait pas vraiment le réalisateur acclamé et oscarisé Steve McQueen à la tête d’un film mêlant polar, thriller politique, drame et film de braquage. Un film dont la lecture du scénario fait avant tout penser à un film de commande pour gros studio. A priori en tout cas. Au bout du compte, Les Veuves n’a peut-être pas la puissance dramatique et narrative de 12 years a slave ou Shame (néanmoins toute relative selon moi, car trop démonstrative et emphatique mais généralement établie par les professionnels et le public). Cependant, Les Veuves se révèle être un film carré, sec et racé de toute beauté. Comme si les velléités auteuristes du cinéaste se fondaient parfaitement dans le moule hollywoodien de l’entertainment. Car, à n’en pas douter, le cinéaste engagé parvient à glisser dans son film bien des préoccupations personnelles ou généralement polémiques, allant du poids des minorités à la corruption établie des politiques en passant par la domination morale de la femme.
Des sujets en phase totale avec l’actualité que McQueen coule dans un polar aux accents tragiques shakespeariens particulièrement bien négociés. Au final, il y a très peu d’action (voire pas du tout) dans Les Veuves. Que ceux qui s’attendent à un film de braquage musclé aillent voir ailleurs, ils seront forcément dépités bien que ledit braquage en fin de film soit un modèle d’efficacité et de concision, haletant comme il faut mais bref au possible. Non, l’intérêt est ailleurs pour le metteur en scène. Il se situe dans les rapports entre les (très) nombreux personnages de ce long-métrage. Des rapports de force, de manipulation ou tout simplement des rapports humains qui sondent notre condition à tous (morale comme sociale). Son film est comme un grand échiquier dont la bataille se met en place et se conclue méthodiquement.
Les deux grands axes narratifs du film (la mise en place du braquage des veuves et les magouilles politiques d’élus municipaux en vue d’élections) ont parfois du mal à trouver leur point de jonction mais cette scorie s’avère minorée par la force d’un récit maîtrisé et d’une mise en scène au cordeau. Une exécution que ne renierait pas un Clint Eastwood en forme avec quelques séquences bien réussies (la scène inaugurale par exemple) et des joutes verbales bien envoyées (le duel père-fils Duvall / Farrell). On n’a en plus droit à un rebondissement bienvenu et étonnant.
Les Veuves est donc un film de poids sachant être à la fois intelligent et divertissant et porté par une distribution énorme où chaque rôle est porté par un acteur de choix. On regrette peut-être juste que les frères Manning ne soient pas incarnés par des acteurs assez effrayants (Brien Tyree Henry et Daniel Kaluuya) et que certaines sous-intrigues soient trop résorbées à la va-vite. Sinon c’est du beau cinéma à l’ancienne.
Les Veuves (Widows)
Film Britannique, Américain de Steve McQueen
Avec Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elizabeth Debicki…
Genre : Policier, drame, romance
Durée : 2 h 09 min
Date de sortie :28 novembre 2018