Petit secret bien gardé parmi les séries Netflix, Ozark a rapidement dépassé son apparente filiation avec Breaking Bad pour affirmer son originalité, d’abord formelle, puis, progressivement pour les thèmes qu’elle traite.
Copyright Jessica Miglio / Netflix
Sur un pitch initial pas follement original – encore une histoire « d’honnête homme » (enfin, pas si sûr…) entraîné dans des opérations criminelles dangereuses, doublée d’une confrontation « culturelle » entre citadins « sophistiqués » et bouseux de l’Amérique profonde, qui bien sûr, se révéleront beaucoup plus malins que prévu… –, Netflix nous concocte avec Ozark une série plus attachante que prévu, en particulier grâce à la surprenante atonalité de la narration, qui refuse le spectaculaire et le suspense facile, pour nous livrer un portrait profondément dépressif de losers qui se débattent avec l’énergie du désespoir pour ne pas sombrer corps et âme au milieu de l’enfer qu’ils ont eux-mêmes créé.
Cette volonté de dédramatiser des situations qui sont pourtant extrêmes, pour s’intéresser seulement aux mécanismes intellectuels ou viscéraux de survie, et de mettre en scène le tout avec une froideur distanciée – qui surprendra plus d’un téléspectateur, faisons-en le pari – est réellement intéressante, et permet de passer outre pas mal d’invraisemblances dans la narration.
La seconde saison poursuit dans la même ligne que la première, non sans une certaine redondance, et n’évite pas une sensation de « sur place », de « ventre mou » : 3 ou 4 épisodes en moins auraient clairement amélioré le rythme, tandis que l’enchaînement perpétuel d’ennuis et d’obstacles sur la route des Byrde est désormais trop systématique pour ne pas irriter.
Ceci posé, ce qui est vraiment passionnant dans Ozark, c’est le dévoilement progressif de ce qui s’avère être dans la seconde saison le thème central, la destruction de la famille (le fondement, on le sait, de la société américaine…) du fait de la cupidité des hommes, et la prise de pouvoir des femmes, qui vont parvenir à stabiliser le chaos, à redonner une forme à des relations qui se sont par trop délitées, à redéfinir un futur.
Tous les personnages masculins ou presque s’avèrent être de plus en plus veules, lâches, fous ou parfaitement répugnants (on sauvera du lot l’ineffable Buddy, véritable dinosaure condamné à l’extinction par son cœur malade, et Jonah le fils prodigue, néanmoins clairement destiné à reproduire les embrouilles paternelles…), ils seront tous liquidés – ou dépossédés de tout pouvoir, ce qui revient au même – dans la glaçante dernière ligne droite. Et à l’image du personnage de plus en plus froid et complètement terrifiant de Laura Linney, qui tient sans doute là le rôle de sa vie, les femmes seront apparues les plus déterminées, les plus efficaces : les seules à même de pouvoir tracer un chemin vers l’avant. Que cela soit au prix de la dernière étincelle de sincère compassion qui pouvait encore briller dans leurs yeux est toutefois une tragédie.