Xavier Plumas (Tue-Loup) est de retour avec Mayerling sur les traces de ses précédents albums. Tant mieux, on replonge avec plaisir dans cette folk joliment ouvragée.
Mayerling, le nom pourrait nous faire croire que Xavier Plumas fait désormais dans la valse de Vienne. Mais il n’en est rien, le nom, étrange, fait référence à la marque de la montre de son grand-père. Une image qui va de pair avec un artiste dont le temps ne semble pas avoir de prise et qui, derrière l’aridité supposé d’une folk rustique, aime les travaux d’horloger, précisément et patiemment agencés – et la référence à la montre Mayerling qui prend ainsi tout son sens.
Il y a plus de 20 ans que Xavier Plumas est apparu accompagné de son groupe Tue-Loup, artiste aussi sensible et introspectif qu’un Will Oldham. Les Sarthois, ancrés autant pleinement dans leur région qu’un Murat dans la sienne, avaient réussi à nous faire croire que leur département se situait un peu plus à l’Ouest que sur le territoire de la seule France. Un regard tourné vers les USA qui ne se dément pas encore aujourd’hui, avec le 3e album solo de Plumas. La voix est reconnaissable entre mille, grave et pourtant porteur d’une sensibilité fragile, et le choix du français toujours assumé. Un disque qui fleure bon la campagne, musique de marais et de foret, faisant la part belle dans les textes à la faune, à la flore, mais qui s’exprime dans un subtil mélange d’électricité et d’acoustique.
Plus que jamais, Xavier Plumas profite des bienfaits apportés par son groupe : Alex Berton (batterie), Eric Doboka (contrebasse), Andrew Joshua (violon) et Christian d’Asfeld (Rhodes, Wurlitzer). Tous se connaissent bien et trouvent dans leur échange une symbiose bénéfique qui élève la musique vers des contrées poétiques où nature et amour semblent étroitement liés. Tous ensemble, ils donnent à Soeur la densité d’une tragédie antique. Sur Contreforts, à l’urgence rock qui trace le morceau droit devant, les claviers viennent mettre des croches-pieds jazz qui changent irrémédiablement l’énergie initiale. Ce même piano électrique transcende la lenteur mélancolique de Pigeon ramier en ode à l’oisiveté contemplative ou donne une embellie solaire au poignant Michelle. Sur De Peu de bien, c’est un violon qui amène la musique dans un climat fantasmagorique. Sur Rester vivant, il apporte la touche lyrique apte à faire léviter les corps. On devrait être triste à l’écoute de l’album et pourtant, on s’y sent bien, réconforté et serein – c’est là tout le paradoxe (Sirène comme dernier exemple).
Avec Mayerling, il faudra donc revoir les adjectifs facilement associés à Plumas ; le songwriter n’est pas « crépusculaire », « déprimé », « écorché »…Chez Xavier Plumas, artiste ambivalent s’il en est, rien n’est simple, ni évident ; c’est ce qui fait toute sa valeur et son importance – n’ayons pas peur des mots – dans le paysage musical français.
Denis Zorgniotti
Xavier Plumas – Mayerling
Label / Distributeur : La Lézarde / L’Autre Distribution
Date de sortie : le 16 novembre 2018
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