La série Heavies tendres nous présente l’amitié naissante de deux tendres hardos, dans la Barcelone d’avant les Jeux Olympiques, sur fond de heavy-metal.
Le dessin du barcelonais Juanjo Sáez, qui peut tout d’abord dérouter par son minimalisme et son apparente approximation, s’avère être en fait le dessin idéal pour se projeter dans les personnages qu’il a su créer. Par exemple, si les personnages n’ont en général pas d’yeux, ils s’ouvriront quand même parfois au détour d’une scène clé où les protagonistes seront d’un coup portés par une émotion forte : un coup de foudre amoureux, un éclair de lucidité, ou tout simplement par l’apparition d’autres personnages perçus en rêves ou en pensées.
Juanjo Sáez est avant tout scénariste et dessinateur de bd et la plupart de ses titres sont parus chez Reservoir books. Il a également collaboré avec plusieurs fanzines et revues comme par exemple nos confrères espagnols de Rockdeluxe. Il a aussi officié dans la publicité et entretient un rapport privilégié avec la musique de son époque comme avec le groupe Los Planetas avec lequel il a collaboré pour Principios básicas de astronomía.
Puis c’est pour la télévision qu’il créera en 2010 une première série d’animation du nom d’Arròs covat. Après le succès de cette savante analyse sur les nouveaux trentenaires au riz trop cuit, c’est en 2018 que débarque cette mini série en huit épisodes retraçant la belle histoire d’amitié entre deux jeunes adolescents férus de heavy rock metal : Juanjo et Miquel. C’est tout d’abord la passion du vinyle qui réunira les deux garçons, l’un faisant découvrir à l’autre la puissance du heavy avec le mythique Number of the beast de Iron maiden, un des 33 tours de sa collection qu’il échangera pour l’écoute d’un Phil Collins : le choc total des cultures et des références. Puis tout au long d’histoire, plusieurs disques de chevet jalonneront l’action et les rencontres de nos deux héros dans la Barcelone préolympique du début des années 90.
La bande musicale est elle aussi singulière car plutôt que de reprendre rigoureusement les morceaux évoqués dans chaque épisode, il y a une composition originale « à la manière de », et chantée en catalan, pour chacun des titres. Nous retrouverons ainsi les pastiches du Black album de Metallica, le Arise de Sepultura ou le Nervemind de Nirvana. Mais la principale force de la série et de nous dresser le portrait d’une jeunesse barcelonaise des classes moyennes, avec ses difficultés familiales, ses relations amicales naissantes, mais dont on sait qu’elles seront « pour la vie », les premières amours contrariées parce que la fille qu’on aime a des goûts étranges : elle préfère les intellos de Sonic Youth au lyrisme apocalyptique de Megadeth. Et puis il y a la jalousie, parce que dès fois on préfère passer les vacances avec sa copine plutôt qu’avec son meilleur pote. Mais finalement, les amis, c’est avec eux que l’on monte son premier groupe, que l’on va à son premier concert, même si les parents ne sont pas d’accord, c’est avec eux que se construit cette notion si nécessaire à la vie : la tendresse.
Être du même monde, c’est aussi par la musique que cela se définit même s’il y a également la culture politique en toile de fond, avec les Jeux olympiques de 92 qui arrivent, et qui vont totalement bouleverser la ville de Barcelone. Mais tout cela échappe un peu aux deux héros principaux parce que leur vie c’est avant toutes choses : le heavy metal et comment cette musique leur permet de survivre dans le monde « sauvage » qui les entoure avec un art de vivre qui l’est plus encore et qui les porte.
Dionys Décrevel
Heavies tendres
Série espagnole (en catalan) créée par Juanjo Sáez
1 saison, 8 épisodes, 20mn environ
Avec Xavi Teixidó et Pol López
1 saison, 8 épisodes, 20mn environ
Premières diffusions sur TV3 et Filmin en 2018