Une jeune femme quitte l’amour de sa vie pour un autre homme qui en est le sosie physiquement. Un film délicat mais un peu opaque, laissant par moment un sentiment d’indifférence.
Parmi les dégrisements culturels et l’invitation au relativisme que la culture propose, le cinéma japonais occupe une place de choix. Par son esthétique épurée, les questions de société ou les caractères qu’il dépeint, il invite à la découverte peut aussi, à l’occasion, déconcerter.
Ainsi de l’émergence Ryusuke Hamaguchi qui fait frémir l’Europe depuis l’année dernière et la sortie de son œuvre Senses de plus de 5h, s’attachant aux portraits croisés de quatre femmes de leur temps, et qui livrait la même année à Cannes une nouvelle modulation dans ce Asako au titre un peu mystérieux.
I&II renvoient probablement à la manière dont le récit se scinde pour la destinée de cette jeune femme qui va passer de l’amour de sa vie, qui l’abandonne brusquement, à un autre homme qui en est le sosie physiquement sans en avoir pour autant la flamboyance.
Le maître mot qui s’impose à propos de ce film est sans nul doute la délicatesse. Du jeu, des situations, des portraits de personnages qui ne font jamais dans la surenchère en matière d’échange ou d’explicitation sentimentale. L’image elle-même, peu contrastée et dans des tonalités assez pâles, se met au diapason d’un univers un peu éthéré dans lequel l’héroïne peine à déterminer de réels choix : alors qu’une ellipse force la discrétion sur la manière dont elle encaisse le départ de l’homme qu’elle aime, le silence poli avec lequel elle laisse les chose se faire avec le nouveau prétendant cultive l’ambiguïté sur ses motivations : se soigner de l’autre, ou le retrouver en assumant le leurre que symbolise cette curieuse ressemblance ?
Mais ce sujet central est lui aussi une bien étrange colonne vertébrale d’un récit qui serpente : l’amie et son rôle au théâtre, la dégustation des huîtres, le chat ou les débuts d’une vie conjugale viennent se greffer sur l’intrigue, dans une impression assez déconcertante de linéarité plate, pourtant entrecoupée d’ellipses et de portraits secondaires.
Sans doute l’austérité ambiante vise-t-elle à faire d’autant plus éclater les quelques scènes lyriques (un accident de moto se transformant en tableau, un coup de foudre pyrotechnique) qui récompensent la patience du spectateur, et le silence ambiant renforcer le secret d’un personnage qui ne parvient pas à vivre réellement sa destinée.
Sans doute. Reste à se laisser prendre à cette délicate opacité, qui laisse souvent sur le carreau un spectateur témoin patient, par instant fasciné, à d’autres un peu gêné de sa légère indifférence face à cette lisse trajectoire dont les accrocs semblent se recoudre par eux-mêmes.
Segent Pepper