Incompris lors de sa sortie en 1968, Electric Mud de Muddy Waters est un album au Rock lourd et Bluesy qui influencera bon nombre de groupe par la suite.
Muddy Waters at Ontario Place, Toronto, June 1978 (with James Cotton) – wikimedia
En 1968, nos vieux Bluesmen sont depuis quelques temps au fond du trou. La nouvelle génération de blancs-becs made in England (Beatles, Stones, Kinks…) ont récupéré la musique du diable, l’ont blanchi un poil et modelé suivant l’air du temps. Le Blues s’endort calmement et ses légendes avec lui. Cadet Records (filiale de la célèbre Chess Records) se met en tête de suivre le vent Rock et sort le vieux Muddy, père de la modernité musicale, pour un essai expérimental des plus étranges.
Muddy vient teinter son vieux Blues du Delta aux expériences psychédéliques modernes. Une goutte de LSD dans un Bourbon. Étonnant !
1968 !
Époque mouvementée si il y en eut. L’air est électrique sous les différents cieux de notre bonne vieille Terre. Les révoltes prolifèrent. The Times they are a Changin‘ chantait à moitié faussement l’ami Bob Dylan en terminant ce qu’il vous restait de points d’audition avec son harmonica satanique. Les choses bougent dans tous les domaines, et la musique ne sera pas épargnée, fort heureusement.
La période est au Psychédélisme et aux expérimentations en tout genre. Les nouveaux groupes sont biberonnés au Sergent Pepper.., au Flower Power « San Franciscain » et aux acides qui font voyager le cul assis par terre, depuis déjà quelques années.
A Chicago, le producteur Marshall Chess voyant le succès de cette nouvelle vague aux pupilles dilatées, décide de relancer la carrière du grand Muddy Waters en l’accompagnant de quelques musiciens triés sur le volet (Dont les grands Jazzeux : Phil Upchurch ou Pete Cosey qui fut un temps guitariste de Miles Davis.) et de grappiller quelques pépettes au passage.
Et là s’accomplit le miracle !
La vieille légende se remet debout. Le créateur de ce Blues de Chicago, le grand initiateur de l’électrification du Blues (Avec quelques autres dont Howling Wolf notamment..) et par conséquent véritable inventeur de ce que l’on appellera : Rock’n’Roll, pose sa voix boueuse tout droit sortie du Delta du Mississippi sur ces arrangements Fusion…OUCH ! ! !
Une guitare dissonante, agressive, presque Punk (1968 ! Iggy et ses Stooges aiguisent déjà leurs dents !). Une basse lourde, marécageuse, qui nous enfonce, à chaque accord, encore un peu plus dans cette vase électrique. Une batterie sèche, nerveuse et très présente (façon Hendrix et son Experience) finit de nous enterrer vivant dans cette boue sombre et étouffante.
On est étonné aujourd’hui. J’vous dis pas en 68 !!
C’est donc d’un album essentiel dont il s’agit. Un album incompris lors de sa sortie. Trop étrange ? Trop neuf ? Trop préfabriqué ?
Il reste un album expérimental qui a ouvert de nombreuses (très nombreuses) voies. Un disque dont les nombreux trésors rythmiques et sonores inspireront une grande partie de la musique post-68. Du Rock lourd et Bluesy Zeppellinien ou Stonien (Stones d’ailleurs, auxquels Waters donnera leur nom !!) aux rythmes syncopés et plus modernes, dont un critique musical dira : « Le rythme d’ Electric Mud anticipe le hip-hop de 3 décennies. »
Avec cet Album, Muddy Waters renaît de ses cendres, tel le Phénix. Ce Phénix qu’est le Blues, revenant encore et encore à la vie sous différentes formes, prouvant par là sa divine immortalité.
Renaud ZBN
Electric Mud sort le 5 octobre 1968 sur Cadet Records.