Après Moonlight, Barry Jenkins propose une histoire d’amour contrarié en adapatant le roman de James Baldwin. Un beau mélo touchant et romantique. A voir !
Il y a des films qu’il semble impossible de dénigrer tant leur douceur s’apparente à une caresse, tant leur message est porteur d’humanité et d’espoir et tant ce qu’ils nous font ressentir est empreint de sentiments vrais, bons et forts. Si Beale Street pouvait parler fait partie de cette catégorie rare d’œuvres qui, même si elles ne sont pas forcément inoubliables ou à qualifier de « chef-d’œuvre », forcent le respect et l’admiration par cet angélisme artistique qui n’est pourtant jamais synonyme de naïveté ou de positivisme exagéré. La beauté de leurs intentions, la beauté de ce qu’elle nous procure et la beauté de ce qu’elle reflète dans nos yeux font de ces œuvres des moments de cinéma doux et agréables. Pourtant, le nouveau film de Barry Jenkins est loin de dérouler une histoire à l’eau de rose où tout est parfait dans un monde qui le serait tout autant.
Non, au contraire, il y est question de rejet maternel, de racisme, d’amour contrarié et d’injustice policière dans une Amérique encore bien frileuse au niveau des droits civiques. Mais encore plus que dans Moonlight qui suivait le parcours d’un jeune noir gay à Miami, Jenkins insuffle à son long-métrage une dose de lumière si forte, prégnante et éloignée des clichés inhérents à ce type de sujet qu’il contourne tout misérabilisme. Il fait ainsi de Si Beale Street pouvait parler un film gorgé d’espoir mais aussi vecteur de notions fortes comme la liberté et l’égalité. Mais d’abord et avant tout, ce film porte l’amour dans son plus simple appareil comme étendard. On est dans le romantisme le plus simple (le plus efficace ?) et le plus beau qui soit. Sans jamais sombrer dans l’aspect fleur bleue ou la bluette sentimentale, le film montre l’amour dans ce qu’il a de plus pur. Des scènes à priori anodines deviennent craquantes à souhait quand d’autres, en forme de passage obligé comme la première fois ou les scènes de parloir, évitent de sortir les violons. C’est adroit quoique ça éloigne peut-être parfois le spectateur de l’émotion, comme dans Moonlight, de manière un peu trop significative.
La sublime partition de Nicholas Britell enrobe le film dans des sommets de lyrisme insoupçonnables et inattendus. Entre cuivres et claviers, cela donne un aspect romantique intemporel au film. Quant à la réalisation, elle est juste parfaite. Jenkins filme ses acteurs et ses scènes à la manière de Todd Haynes. Il y a d’ailleurs un peu de Carol dans la mise en scène élégante, propre et racée établie ici. Le choix de déconstruire le récit est judicieux et le dynamise pour éviter tout aspect plat qui ne devait pas déranger dans le roman de James Baldwin. Il y a tout de même quelques longueurs et répétitions et une fin que l’on aurait aimé moins abrupte mais Si Beale Street pouvait parler n’en demeure pas moins une œuvre à la fois mignonne et réaliste, sentimentale et dure, qui n’en oublie pas quelques traits d’humour bienvenus comme dans la scène de l’annonce du bébé, peut-être la meilleure du film, où Regina King fait montre d’un talent hors pair et insoupçonné. Un beau film tout simplement.
Si Beale Street pouvait parler
Film Américain de Barry Jenkins
Avec KiKi Layne, Stephan James, Regina King…
Genre Drame
Durée : 1h 59min
Date de sortie 30 janvier 2019