L’auteur américain Don DeLillo interroge le lecteur sur la question de la vie éternelle dans son nouveau roman à l’ambiance assez sinistre. Une belle expérience métaphysique.
Le milliardaire Ross Lockhart décide de s’offrir la vie éternelle. Pour cela, il a investi dans un projet de cryogénisation destiné à de riches volontaires comme lui. Sa jeune épouse, atteinte de plusieurs maladies incurables, s’apprête à intégrer le programme Zero K, dans le but que son corps soit préservé jusqu’au jour où les progrès de la médecine permettront de la réveiller.
Dans ce nouvel opus, Don DeLillo s’attaque au futur proche. Même si, à première vue, le thème semble éculé dans le domaine de la science-fiction, je ne pense pas qu’il a déjà été traité de cette manière. Dans ce texte, il n’est pas question de créer une dystopie où tous les évènements servent de prévenir l’avenir du monde. L’auteur ne cherche pas non plus à donner des leçons, à imaginer le pire ou à poser des questions. Il met juste la cryogénisation au centre de son roman, comme une évidence. Ensuite, il fait évoluer ses protagonistes dans ce nouveau monde sans jamais apporter de jugement. Cette mise en scène rend l’univers plus réel et de fait plus effrayant.
En confrontant les acteurs à une fin de vie que l’on peut contrôler, ce livre traite simplement du rapport à la mort et par ricochet du rapport à nos existences. Chaque personnage appréhende son rôle dans la société de manière diverse et imagine donc sa destinée sous un angle différent. On remarque alors que les inégalités dans la vie se retrouvent dans la mort.
C’est un roman philosophique sur la déshumanisation qui se définit plus par son atmosphère que par son scénario. On entre dans cet univers comme dans une bulle et on laisse divaguer son esprit. Par son ambiance spirituelle et assez sinistre, il ne plaira pas à tout le monde. Mais l’écriture somptueuse et exigeante de Don DeLillo nous offre un texte visuel et poétique qui m’a hypnotisé de bout en bout.
Dès leur fermeture, j’oublie souvent certains romans, pourtant bourrés d’action et de péripéties, alors que Zéro K, beaucoup plus méditatif, a hanté mon cerveau durant plusieurs jours. Belle expérience métaphysique par un grand écrivain.
Bernard Fortin
Zero K
Roman Américiand e Don De Lillo
Francis Kerline (Traduction)
297 pages – 22,80€
Editeur : Actes Sud Editions
Date de parution : 6 septembre 2017