Drôle de bouquin que cette tentative osée de nous faire rire et peur à la fois, de la part de Dédo, un humoriste qui s’aventure ici dans la BD. On n’aime pas complètement le résultat, mais on est séduit par l’audace !
Credit : Delcourt
Il n’est pas si fréquent d’avoir un véritable humoriste aux commandes d’une BD, et que l’on ait aimé ou pas le résultat en refermant ce White Spirit, véritable OVNI dans un paysage finalement bien balisé, il est impossible de nier qu’on a souvent ri de très bon cœur. Le héros de White Spirit, parfait bobo / hipster parisien complètement haïssable est infiniment drôle, tant par sa méchanceté qui semble infinie que par son incapacité complète à « vivre » dans tous les sens habituels du terme : vie amoureuse ratatinée et vie professionnelle absurde, rien ne justifie l’existence de Pascal, et sa possession par un esprit farceur, qui va transformer tout cela en enfer absolu, paraît presque une juste punition pour l’arrogante médiocrité – à moins qu’il ne s’agisse d’arrogance médiocre – qui le définit.
Sauf que la morale n’a – heureusement- rien à voir avec tout ça, qui traduit plutôt le sadisme rigolard de Dédo. Et c’est évidemment là que repose la limite de l’exercice : de vraiment audacieux – en particulier par sa volonté d’aller titiller les comics US plutôt que de rester dans l’arène confortable de la BD franco-belge – White Spirit se vautre de plus en plus au fil des pages dans la fange d’une provocation vraiment trop facile, finalement indigne des ambitions initiales de Dédo. Si la fin est joliment horrible, on ne pourra pas s’empêcher de regretter qu’un peu plus de retenue n’ait pas permis de faire naître un vrai malaise chez le lecteur, plutôt que des ricanements vaguement dégoûtés…
Il faut avouer aussi que le dessin de Weldohnson oscille en permanence entre une efficacité très punchy et des dérapages pas toujours très bien contrôlés : si l’on comprend bien où le tandem voulait en venir, on ne peut pas non plus dire que ça marche parfaitement…
Reste que, pour qui est à la recherche d’un livre original – et souvent très drôle, répétons-le -, même s’il n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains, White Spirit est une expérience passionnante. On suivra donc désormais avec attention le travail de Dédo !
Eric Debarnot
White Spirit
Scénario : Dédo (Sébastien de Dominicis)
Dessin : Weldohnson
Editeur : Delcourt – collection Une Case en Moins
112 pages – 16.50 €
Date de publication : 9 janvier 2019