C’est par la rencontre de Zack de la Rocha (Chant) et Tom Morello (Guitare) que va naître l’un des groupes (ou disons de l’album, pour être plus précis) les plus influents de ce début des 90’s : Rage Against the Machine.
Quand j’étais au collège, le monde se divisait en deux catégories, mon pote.
D’un côté ceux avec une pièce montée sur la tronche d’au moins 30 centimètres, composée uniquement de cheveux gras et de gel effet « moche ».
Le froc qui leur dégringole sur les chevilles, laissant apparaître un très joli slip prisunic moulant un merveilleux cul plat.
Un bomber vert kaki ou bleu ciel qui donnait l’apparence (Ô combien trompeuse !) de videurs de boîte de nuit New-yorkaise à des boutonneux de 45 kilos.
Des casquettes Yankees ou Lakers vissées sur leurs têtes pleine d’eau selon que l’on soit des « niggas » de l’East Coast ou des « Gangstas » de la West Coast…Ou bien même des petits bourgeois de la résidence pavillonnaire située en haut de la ville.
De l’autre côté des « cousins machins » avec des godasses montantes et des languettes de 40 centimètres de long.
Des jeans qu’il fallait enfiler avec l’aide de la famille, où tout geste un peu brusque était à proscrire pour la conservation de vos humbles génitoires.
Des frocs à vous stériliser un Philippe de Villiers en deux pas un peu rapides dans les escaliers.
Des vestes en jean méconnaissables, patchées partout de groupes aux emblèmes sataniques.
Des perf’ beaucoup trop grands pour des frêles épaules d’adolescent et usés jusqu’à la corde à force de se coller contre les murs pour rouler ses clopes ou finir sa Jenlain.
Aucune échappatoire !
Ce putain de monde se divisait bien en deux catégories. Rien d’autre n’existait !
Pour ma part, je faisais partie de la deuxième catégorie. Je me promenais dans les couloirs tristes de mon collège, le cheveu hirsute et l’oeil hagard, dispersant autour de moi des relents de bière tiède et des volutes de chichon bon marché aux senteurs de pneu brûlé.
Mais secrètement, tapi dans l’ombre, je flirtais avec l’ennemi ( Le Public Enemy en l’occurrence.).
C’est tremblant de peur à l’idée que l’on découvre ma double vie, que je m’enquillais des litres de Wu-Tang à l’orange derrière la cravate.
Il y a eu des tentatives…Des bonnes! (Public Enemy/ Anthrax)…et des plus mollassonnes (RunDMC/Aerosmith).
Mais la fusion n’avait pas totalement opérée.
Et puis un jour : Rage Against the Machine !! LA RÉVÉLATION !!
Des riffs de gratte couillus et violeurs de tympans. Des riffs que les Metalleux pouvaient écouter la tête haute et le regard fier.
Une basse et une batterie pleine de cette légèreté Funk si efficace. Mais une Funk de gangster avec les burnes collées dans la prise. Une décharge auditive, un jack planté dans ton oreille, ton cerveau poussé au max comme un putain de Marshall. Et une putain de ribambelle de « Slap » qui te fait tomber les cheveux et pousser la moustache en quelques secondes.
Puis un chant ! Que dis-je ?! c’est un cri !!! (La bise à MichMich Sardou !)
Des hurlements à te faire péter le cervelet.
Des paroles rageuses et anti-système dégageant cette odeur de testostérone et de rage, que tout ces ados en pleine transformation hormonale, buvaient comme l’eau d’une fontaine qui te ferait pousser des couilles.
Finalement RATM était beaucoup plus qu’un groupe de Métal/Rap énervé.
Cela a été le groupe de la réconciliation, de l’entente entre les deux franges de cette population adolescente.
Le groupe d’une compréhension musicale commune, d’une réunification culturelle.
D’une nouvelle amitié effaçant à coups de riffs métalliques et de paroles rappées au flow démentiel, ce monde, qui autrefois se divisait en deux catégories.
Renaud ZBN
Rage Against the Machine LP est sorti le 3 novembre 1992 sur Epic records