The Terror : une série d’aventure à vous glacer le sang

Passée relativement inaperçue en 2018, victime également d’une image « fantastique » assez réductrice, The Terror est un beau récit angoissant qui brode sur des faits réels du XIXe siècle.

The Terror photo
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Les récits d’exploration des XVIIIe et XIXe siècles sont une mine d’histoires extraordinaires pour qui cherche l’inspiration, et l’écrivain de best sellers Dan Simmons a tiré l’un de ses livres les plus célèbres en imaginant ce qui a bien pu arriver aux équipages des vaisseaux anglais HMS Erebus et HMS Terror, partis au Pôle Nord à la recherche d’un passage à travers les glaces. Vu la complexité du récit, sa longueur, et la multiplication de personnages, la série TV est logiquement un média plus approprié que le cinéma pour retranscrire les visions ambitieuses de Simmons, qui imagine l’extermination progressive de ces hommes soumis à des conditions climatiques extrêmes, mais également aux tensions internes qui naissent lorsque l’on se trouve prisonniers d’hivers interminables au sein de bateaux pris dans la banquise, sans parler d’une intoxication alimentaire pernicieuse et, cerise sur le gâteau, de la menace d’un monstre issu de la mythologie Inuit.

C’est évidemment ce dernier aspect de la saga qui sert d’appât au public avide de monstres terrifiants, imaginant que The Terror sera une sorte d’Alien du XIXe siècle… Un public qui sera forcément déçu puisque l’aspect fantastique n’est qu’occasionnel, et qu’il est sans doute le point le plus faible de la série, à cause du manque de moyens financiers mais également du choix maladroit de traiter trop frontalement une « créature » manquant singulièrement de charisme et de pouvoir de fascination.

Pour le reste, l’équipe de David Kajganich, Max Borenstein et Alexander Woo a fait un bon travail de reconstitution historique, et a réussi à construire une ambiance angoissante qui saisit progressivement un téléspectateur de plus en plus impliqué dans l’existence éprouvante de ces hommes que nous savons condamnés – puisque l’introduction du film nous informe de leur disparition, au cas où nous ne soyons ni férus d’Histoire, ni lecteurs de Simmons ! La complexité des relations hiérarchiques (puisque les officiers ont amené à bord leurs ambitions et leurs antagonismes), les conflits de pouvoir qui en résultent, mais aussi le jeu pernicieux d’un sociopathe intriguant – voire séduisant – qui sera largement responsable de la catastrophe finale, tout cela concourt à plusieurs épisodes passionnants, particulièrement bien construits et surtout interprétés par un casting « all-British » absolument irréprochable. Le point culminant de cette partie du récit – la partie « à bord des vaisseaux » – est certainement l’extraordinaire épisode 6, avec l’organisation d’un funeste carnaval visant à divertir la troupe, qui tournera au cauchemar intégral.

La série n’est malheureusement pas exempte de faiblesses, qui empêchent notre adhésion totale : au-delà de la maladroite partie fantastique, le scénario – ou bien Dan Simmons ? – a recours à bien des stéréotypes simplificateurs, distinguant de manière trop politiquement correcte les explorateurs « évolués » qui parlent le langage local des Inuits et cherchent à fraterniser, et les brutes racistes qui prônent la supériorité anglaise : ce n’est sans doute pas faux, mais c’est d’une évidence un peu trop simplificatrice, d’autant que le personnage principal, impeccablement incarné par un Jared Harris comme toujours charismatique, reste trop systématiquement positif, même dans son addiction au whisky. On préfère nettement la belle évolution de James Fitzjames (Tobias Menzies, parfait !) de « bad guy » odieux à ami sensible, cette partie du récit restant sans doute la plus émouvante.


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On regrettera aussi les 3 derniers épisodes, qui n’arrivent pas à transcender la lente agonie des marins perdus dans un désert de pierre abstrait, et qui ont trop recours au gore et à l’abjection pour stimuler le téléspectateur : il manque clairement à ce stade un vrai metteur en scène, qui sache apporter une « vision » à ce final désespéré. Les toutes dernières minutes, superbes, rattrapent heureusement ce « vide », et nous laissent donc sur un beau sentiment d’ambition narrative, historique et psychologique.

Sans doute condamnée à l’anonymat par sa diffusion limitée sur Amazon Prime, The Terror s’avère une tentative passionnante – même si pas tout-à-fait réussie – de trouver dans notre Histoire d’autres récits, substantiellement plus féconds que les habituelles histoires de serial killers, de trafiquants et de mutants invincibles qui sont souvent le quotidien de la série TV actuelle.

Eric Debarnot

The Terror
Série américaine de David Kajganich, Max Borenstein et Alexander Woo
Avec Jared Harris, Tobias Menzies, Paul Ready, Ciaran Hinds, Adam Nagaitis
10 épisodes de 50 min environ
Mise en ligne sur Amazon Prime : mars 2018