Derrière les séries TV blockbusters et à forte visibilité, il existe de plus en plus de véritables réussites, qui témoignent de la vitalité persistante du genre, vingt ans après sa renaissance à la fin des années 90 : StartUp en est un bel exemple.
Lancée par Amazon en 2016 dans l’indifférence générale, malgré la présence au générique de l’honorable Martin Freeman (qui disparaîtra à la fin de la seconde saison, remplacé dans le rôle de la fausse tête d’affiche « bankable » par l’excellent Ron Pearlman), StartUp n’est pourtant pas une série « standard » puisqu’elle fait preuve d’une indéniable ambition, tant par son sujet complexe (d’un côté les nouvelles monnaies virtuelles, puis le Dark Net – tout cela pas forcément très clairement expliqué aux néophytes d’ailleurs –, et de l’autre, Miami et son puzzle racial à l’ambiance délétère) que par sa relative sophistication formelle.
Cet échec commercial et critique s’explique probablement par le traditionnel aphorisme « qui trop embrasse mal étreint », les scénaristes ne réussissant que rarement à harmoniser leurs différentes histoires : entre la violence quotidienne d’un quartier d’émigrés haïtiens – le meilleur de StartUp durant les deux premières saisons, sans aucun doute –, les exploits de hackers hi-tech, la corruption au FBI, l’arrogance de la bourgeoisie blanche friquée de Floride, l’irruption surprise de la mafia russe, il y avait dès le début beaucoup trop de sujets disparates et finalement trop superficiellement traités pour que le téléspectateur y trouve son content. Dans la même logique, la distribution quasi égale des rôles centraux entre trois personnages éparpille l’attention, d’autant que l’écriture, assez flottante et ne craignant pas les invraisemblances simplificatrices, nous réserve quelques redoutables « tunnels »…
Soyons lucide, cette troisième saison de StartUp fonctionne sur la répétition du schéma constitutif des deux premières, comme c’est souvent le cas lorsque les séries TV trouvent leur vitesse de croisière : une accumulation de problèmes a priori insolubles sur notre triplette de soi-disant génies, qui multiplient les mauvaises décisions et foncent donc tête baissée vers un final catastrophique – ce qui nous change quand même agréablement des happy ends habituels. Un programme finalement assez plaisant, même si le coproducteur et acteur Adam Brody charge particulièrement – et non sans un réjouissant masochisme – son propre personnage de faux golden boy et vrai attardé mental ! On regrettera sans doute que le fascinant Edi Gathegi ait cette fois un rôle moins passionnant que dans les deux premières saisons, alors que son évolution des ghettos haïtiens de Miami aux bureaux climatisés des entreprises high tech reste le sujet le plus potentiellement riche de la série.
Restent de nombreux aspects stimulants dans cette troisième saison, du personnage délicieusement taré interprété par la non moins délicieuse Mira Sorvino à un embryon de réflexion sur la responsabilité morale des « providers » d’Internet quant à l’utilisation criminelle des outils qu’ils mettent à la disposition de l’humanité – réflexion malheureusement tronquée par une conclusion ramenant la série dans les limites du thriller conventionnel –, en passant par une paire d’excellents épisodes décrivant la situation de répression d’Internet à Cuba.
StartUp demeure donc une série singulière et surtout prête à se coltiner avec des « issues » assez fondamentales pour notre très proche avenir, ce qui nous pousse à lui pardonner son acharnement improbable à montrer des personnages prenant systématiquement les pires décisions possibles.
Eric Debarnot
StartUp
Série américaine de Ben Ketai
Avec Adam Brody, Edi Gathegi, Otmara Marrero, Martin Freeman (Saisons 1 et 2), Ron Pearlman (Saisons 2 et 3), Mira Sorvino (Saison 3)
10 épisodes de 50 min environ
Mise en ligne de la Saison 3 sur Amazon Prime : 1er novembre 2018