Enième revisite de comics pour une série ? Pas tout à fait. Comme sa version dessinée, Umbrella Academy sort un peu de sa zone de confort et attire la curiosité avec ses super-héros malades et son ambiance onirique.
Sale temps pour les héros Marvel, DC Comics, etc… L’actualité sérielle montre en effet une succession d’annulations (Jessica Jones, The Punisher, Iron Fist… pour les plus récentes) qui remettent sérieusement en cause les adaptations visuelles de classiques des comics papier. C’est pour cela que l’arrivée d’Umbrella Academy sur Netflix, dont la version dessinée de Gerard Way et Gabriel Bâ transgresse déjà les codes du genre, sonne comme un possible renouveau de la « série de superhéros » fastidieuse, rabâchée et pour tout dire pénible.
Umbrella Academy n’est pas originale dans son pitch de départ (sept enfants issus d’une vague de naissances de type immaculée conception, adoptés et élevés par un milliardaire bizarre, sont dotés de pouvoirs hors normes sauf la petite dernière) mais dans le traitement des personnages tout au long des épisodes : cette fratrie par défaut, qu’on suit en alternant âge ado / âge adulte, devient petit à petit une famille totalement dysfonctionnelle, qui remet sans cesse en question leur enfance et leurs rapports familiaux en les confrontant à leurs problèmes personnels actuels. Les funérailles de leur paternel, aux côtés d’une maman-robot développée pour les élever dès leur adoption, les met en face de leurs propres échecs, leurs propres responsabilités et surtout face à l’ enjeu futur du groupe : sauver le monde et eux-mêmes…
Dès lors, et comme souvent, la série s’attache à fouiller la psychologie de ces héros malgré eux, pour leur donner l’amplitude et l’ambiguïté qui font d’une commande ses atouts et son identité. On pense davantage à la famille tordue de The Haunting of Hill House qu’à The Avengers ici. Ou à une ambiance Orphelins Baudelaire plutôt que des villes noircies et imaginaires des séries classiques issues des comics. Il manque parfois à cette saga très travaillée et curieuse, dotée d’une bande-son géniale, un rythme accrocheur, et une panoplie égale de portraits étudiés… mais a contrario de certaines critiques, c’est justement le fourmillement d’intrigues secondaires, de pas-de-côté parfois contemplatifs ou oniriques qui font le sel décalé de la série pour moi. Et même pas assez finalement, tant on sent que déborder du cadre semblait le but des réalisateurs mais que la production a dû juger bon de calmer un peu les ardeurs.
Peut-être que la saison 2, prétexte à toutes les folles hypothèses avec une fin de saison intense, osera se libérer du carcan de départ et déployer toute l’imagination visuelle et sonore qu’on attend d’elle. Si le succès se confirme – ce qui semble être le cas, et si tous les acteurs – comme la sublime Ellen Page dans un rôle ténu et émouvant – peuvent enfin s’exprimer, on tiendra là la plus grande série sur les super-héros qui se demandent vraiment pourquoi ils le sont.
Jean-François Lahorgue
Umbrella Academy, série (US) de Steve Blackman
Avec Ellen Page, Robert Sheenan, Tom Hopper
Saison 1 : 10 épisodes de 50 mn environ
Date de diffusion France (Netflix) : février 2019