En 1972, Ziggy Stardust l’extra-terrestre descendait sur Terre pour annoncer la bonne nouvelle et sauver la planète. Hélas le monde n’était pas prêt et Ziggy s’est brûlé les ailes au contact de notre monde.
En 72, David Bowie inventait la star inter-galactique Ziggy, et se verra vampiriser par cette même créature. C’est un pan monumental de l’histoire du Rock qui s’ouvre sous nos pieds en cet an de grâce 72. Bowie transcende les genres et se perd dans l’outrance Glam, se noie dans les strass et les paillettes. Malgré tout ses efforts Ziggy ne parviendra pas à changer ce monde. Bowie, lui, y parviendra.
Ils étaient pourtant prévenus. Cinq ans. Cinq années à vivre, il leur restait. Mais les gens sont idiots.
Tu es venu leur parler, mais ils ne t’ont pas cru. Ils n’ont vu que l’excès en toi, que la démesure.
Des cheveux rouges, incandescents comme le feu de tes yeux. Comme cette voix, cette voix hypnotique qui parle pour toi. Cette force extra-terrestre qui a volé ton âme. Cette force trop pure annonçant l’amour planétaire qui t’a brûlé, consumé comme une cigarette.
Tu cries ton message, tu le hurles aux gens qui ne le comprennent pas.
C’est ta voix que les gens écoutent, pas tes mots. C’est ta beauté qu’ils regardent, pas ton âme.
Tu es devenu une attraction, Ziggy.
Tu continues pourtant. Tu ressasses, tu rabâches.
Tout les soirs, dans ces concerts gigantesques, ces rendez-vous avec ces fans qui ne comprennent pas, avec ces femmes qui se trompent.
Ces messes dont tu es le prêtre tout-puissant, le gourou incontrôlé.
Ce reflet de toi que l’on te jette au visage. Ces femmes en transe, arrachant leurs t-shirts, essayant de toucher un bout de peau de ce messie perdu dans les vapeurs d’alcool que tu es devenu.
Tu t’enfermes. Tu te coupes du monde, de la vie.
Tu oublies ton message. L’amour, la paix ne sont plus rien, trempés dans l’horrible mixture de la solitude et de l’addiction.
Tu sombres. Tes Spiders from Mars te regardent t’échouer lentement comme ces navires immenses qui mettent des semaines à couler.
Tu détruis tout. Tu casses tes jouets, les espoirs qu’ils avaient mis en toi, tout là-haut.
Ils n’ont pas voulu descendre, ils n’ont pas voulu leur parler, ils n’ont pas voulu les rendre fous.
Ils t’ont laissé seul. Seul pour apporter l’amour, pour donner la paix. C’était trop.
Trop pour un seul homme. Même pour toi, Ziggy.
Ils t’ont abandonné. Ils sont repartis.
Mais malgré tout, tu leur as donné beaucoup de choses.
Tu leur as donné un disque monumental.
Tu leur as donné la schizophrénie, tu leur as donné l’androgynie.
Tu as offert au monde le Glam et les paillettes, les larmes et le désespoir sous le maquillage.
Tu leur as offert la morale dans l’immoralité.
Tu as fait de l’homme, une femme comme les autres. Tu as féminisé la virilité et virilisé la féminité.
Tu as bouleversé les codes, les images. Tu as mis à feu et à sang la normalité et tu as choqué une époque.
Tu as abandonné sur cette terre des chansons d’un autre monde, des mélodies magiques qui nous emportent dans les airs, nous font flotter à côté de ces étoiles étrangement familières.
Tu as ouvert la voie aux autres. Tu as crée des vocations et des styles pour les années à venir.
Tu as réconcilié les franges irréconciliables de la Pop et de l’avant-garde.
Tu as créé un monde.
Tu as donné tout ce que tu pouvais, tout ce que tu devais.
Tu as mis fin à tes jours après avoir réussi ta mission.
Tu as ébloui le monde… Et ce jusqu’à ton Rock ‘n’ Roll Suicide.
Jusqu’à la fin.
Renaud ZBN