C’est loin, l’Australie ! Alors quand Robert Forster, l’un des plus grands noms du Rock Indie australien des années 80 revient avec son meilleur album à date, n’hésitons pas à le célébrer comme il se doit !
Si l’on évoque aujourd’hui le nom de Robert Forster, il y a fort à parier que la plupart des gens vous répondront : « Ah oui, l’acteur américain beau gosse qui a joué dans ce film de Tarantino ? ». La mention des Go-Betweens ne provoquera alors qu’un silence interrogateur… Alors qu’en Australie, ce groupe de rock indépendant fut l’un des plus importants des années 80, sa musique étant aujourd’hui considérée officiellement comme faisant partie du patrimoine national, alors que dans certaines contrées comme l’Angleterre, nombreux sont ceux qui vouent encore un culte aux compositions lumineuses de Forster, nous ne sommes en France plus qu’une poignée à vibrer à l’idée que Robert, 62 ans au compteur, publie un nouvel album, Inferno, quatre ans après le précédent… qui n’avait pas non plus fait grand bruit par ici…
… Et pourtant, même si cette musique ne paye pas de mine, avec ses sonorités dépouillées, acoustiques et très « live music », tournant principalement autour de la guitare et de la voix profonde de Forster, même si elle peut sembler de prime abord trop nonchalante pour représenter encore la voix de notre époque, il s’avère à l’écoute que Inferno est sans doute le meilleur album de Forster depuis l’époque bénie des Go-Betweens. Et que quelques écoutes suffisent à ce que quasiment toutes les mélodies discrètes qui le composent se voient mémorisées, et commencent à vous trotter dans la tête toute la journée durant. Comme quoi, le bougre, derrière toute la (fausse ?) modestie affichée lors de l’entretien qu’il nous avait accordé il y a quelques semaines, reste un songwriter vigoureux, troussant plus de chansons furieusement pop que la majorité de ses pairs bien plus jeunes que lui.
Inferno démarre très fort d’ailleurs, avec 3 chansons accrocheuses, sur lesquelles il n’adopte guère la retenue attendue d’un gentleman de son âge, vivant soi-disant quasi-retiré du monde à s’occuper de sa famille et de ses petites affaires : Crazy Jane on the Day of Judgement, adaptation d’un poème de Yeats, No Fame, qui reprend ses propos lors de notre interview quant à l’inutilité de la célébrité, et le presque « heavy » (toute proportions gardées, vues les circonstances et l’interprétation globalement intimiste) Inferno, description viscérale de nuits de canicules à Brisbane, nous montrent un Forster extraverti, presque truculent, n’ayant clairement pas réduit ses ambitions « rock’n’rolliennes ». La suite paraît de prime abord plus classique, peut-être plus banale, mais c’est évidemment dans ce cœur exquis du disque qu’il faut chercher les chansons qui nous deviendront avec le temps les plus chères, parce que c’est un auteur-compositeur finalement assez secret qui s’y dévoile : la vie de Robert Forster est-elle aussi rangée, aussi sereine qu’il veut nous le faire croire ? Pour mieux comprendre l’homme, il faudra sans doute lire son Grant & I, ouvrage consacré bien sûr à son amitié avec Grant McLennan, son complice au sein des Go-Betweens, décédé il y a maintenant plus de 10 ans…
Les courtes – mais riches – 35 minutes de Inferno se terminent sur une chanson qui est peut-être la plus belle de l’album, One Bird in the Sky, une mélodie que l’on qualifiera sans aucune pudeur de sublime, que l’on aurait bien vue interprétée par les Go-Betweens de la grande époque. Une chanson que son lyrisme retenu et sa mélancolie bouleversante placent parmi les toutes meilleures de son auteur. Et qui justifie à elle seule notre éternelle fidélité à Robert.
Forster passera à la Boule Noire en novembre de cette année, et il attend les propositions pour une tournée française : 40 spectateurs par soir lui suffisent, prétend-il, à justifier sa présence. Prenons-le au mot, et faisons 40 heureux autour de nous !
Eric Debarnot
Robert Forster – Inferno
Label : Tapete Records / Differ-Ant
Date de sortie : 8 mars 2019