La visibilité offerte au format court, surtout quand il s’agit d’animation, est suffisamment réduite pour qu’on se félicite de l’existence de cette compilation offerte par Netflix, qui ne manque pas d’attrait !
On ne peut pas véritablement parler de série à propos de Love, Death + Robots : le titre lui-même de cet assemblage de 18 courts métrages en dit long sur la volonté d’élargir le plus possible les thématiques afin du justifier un point commun entre ces œuvres qui durent entre 7 et 16 minutes. Disons que l’anticipation et le fantastique se mêlent, la robotique cédant parfois le pas à la technologie ou un bestiaire monstrueux et folklorique.
Mais c’est justement cet aspect disparate qui fait l’atout le plus séduisant de cette compilation. Alors que la plupart des séries souffrent d’un mal chronique qui consiste à allonger la sauce en diluant les intrigues ou ramifiant des récits secondaires qui se greffent péniblement à des arcs dont on ne comprend plus vraiment la force dynamique, nous nous retrouvons ici dans une logique radicalement différente. Chaque épisode a quelques minutes pour installer un univers, souvent imaginaire et pour lequel il faudra donc tout exposer. D’un futur dystopique à la fable philosophique, du post apocalyptique au polar paranoïaque, d’un conte uchronique, le fil rouge se contracte et se distend sans réelle cohérence, mais là n’est pas le propos. L’idée maitresse consiste dans un renouvellement continu du plaisir face à un juke-box fictionnel qui n’a pour limite que l’imaginaire des créateurs.
Bien évidemment, tout ne pourra convaincre ; certains coups de mou (comme le Coup de Main, par exemple), ou des récits plus longs que d’autres peinent à convaincre dans la direction prise par les récits finalement très linéaires (Un vieux démon, Des fermiers équipés, La décharge, Métamorphes ou Une guerre secrète). L’humour, terrain glissant, se prend un peu les pieds dans le tapis (les assez vains Revanche du yaourt et surtout Histoires alternatives), et il ne faut pas s’attendre à des miracles de profondeur mélancolique à la Ghost in the Shell. Tout au plus trouvera-t-on quelques réflexions peu approfondies mais intéressantes sur l’humanité dans 3 robots et surtout L’âge de glace, amusante variation sur l’évolution des civilisations.
Il ne faut cependant pas perdre de vue l’autre grand intérêt de cet ensemble, qui réside dans sa forme. Love, Death + Robots est aussi – et surtout – un rassemblement de toutes les tendances de l’animation, qui elle aussi n’a plus de limites. De la 2D cartoonesque aux prises de vues les plus réalistes, tout l’éventail est représenté, et présente à lui-seul un bilan assez passionnant sur la production contemporaine. La performance est évidemment à saluer (les univers graphiques de L’avantage de Sonnie, par exemple, Derrière la faille ou Lucky 13 sont bluffants) même si elle ne s’éloigne pas vraiment de ce qu’est capable de faire aujourd’hui le marché vidéoludique. La diversité joue ainsi des atmosphères, mais surtout des textures, et les épisodes les plus intéressants (Bonne Chasse, L’œuvre de Zima, ou les incursions poétiques des Esprits de la nuit qui rappellent la belle BD Broussaille et ses Baleines publiques) parviennent à combiner cet intérêt pour un nouvel univers narratif et graphique, en en faisant sujet propre du récit.
Et puisque la culture du court-métrage n’est pas assez défendue, on ne pourra que saluer ce programme dans lequel on fera évidemment sa propre sélection. S’il faut éliminer un certain nombre d’épisodes qu’on oubliera vite, on saura gré aux producteurs d’avoir pu ainsi défendre, sur une plateforme aussi populaire, un film comme Le Témoin, véritable pépite, qui donne à l’animation toute sa mesure : par son rythme, sa vibration charnelle, son exploration des espaces et sa psyché malade, elle offre 12 minutes en tout point mémorables.
Constat plutôt vivifiant : la production est vivace, les enthousiasmes jaillissent dans toutes les directions et le feu d’artifice mérite qu’on le contemple.
Sergent Pepper