Michel Cloup, toujours en duo, s’ouvre à des territoires solaires, dansant sur les ruines d’un monde où les héros ne meurent jamais.
Un album qui porte bien son nom. D’emblée, se laisser saisir par la danse des mots de Michel Cloup, par les batteries à la fois scintillantes et incisives de Julien Rufié. De même se laisser soulever par ces amples vagues de basses surgissant au détour de quelques titres pour nous faire zieuter du côté du dancefloor. Et cela donne cet album hors normes dont la production ambitieuse, parfaitement maîtrisée, nous emmène là où peu d’albums de rock français avaient su le faire auparavant.
« Dansons en ne pensant à rien », voilà qui est de belle augure pour la suite. Un monde nouveau qui s’ouvre ; à plus de lumière devant soi, à plus d’éclat dans les yeux, comme en témoigne ces retrouvailles sur la piste de danse. « Hors de contrôle, juste un rythme » ; courir plus loin, sans accélérer, ni décélérer, juste à son rythme, dans un mouvement de liberté qui ne cesserait de nous faire converger vers un même point de rencontre.
Un point qui pourrait être la révolte, mais qui semble être avant tout, du moins sur cet album, la musique. En témoigne le lyrique Les vrais héros ne meurent jamais ; qui rend par là même un bel hommage au prince du post-punk anglais, Mark E. Smith, avec un retour subit d’une basse ample et généreuse qui ressurgit pour mettre tout le monde d’accord. Oui, le plus important dans nos vies, c’est bien la musique. Et il y a de quoi se reconnaître dans chacun des angles de vue du texte de Michel Cloup : « Il accroche un poster en noir et blanc. Elle observe cette pochette qui tombe ne miettes des heures durant. »
Musical avant tout, cet album est aussi politique. On reste quoi qu’il arrive dans la veine des productions de l’impeccable label Ici d’ailleurs. Même si le premier titre, Gagnants, m’a laissé un peu sur ma faim, je me suis de suite retrouvé bousculé par Amnésique heureux ; qui est une belle métaphore du monde moderne où Cloup nous dit que la seule façon de se le réapproprier, c’est peut-être d’écraser son disque dur interne, surchargé d’informations, et de tout reprendre à zéro. « Il y a tant de tout » ; oui tant de choses à oublier pour mieux les redécouvrir.
Et après les amnésiques, les invisibles. Michel Cloup évoque ceux qui sortent enfin de l’ombre pour regagner les faveurs du monde. « Ce n’est ni Marvel ni Netflix, c’est la vraie vie ». Les invisibles c’est un peu comme un remake des premiers seront les derniers, ceux qui danseront sur les ruines, pour araser un passé à jamais révolu, levant les poings enflammés de la révolte ; même si l’idée de la révolution ne prendra pas à la couleur d’un gilet, elle aura au moins su rallier des milliers d’individualités comme un soleil chercheur de futur et d’utopie.
« J’ai vu le futur dans tes yeux et il était bien plus heureux que prévu » : une punchline imparable, une adresse à sa fille adolescente ; un texte qui, paradoxalement, prend la forme d’un monologue pour raconter une simple conversation entre un père et sa fille : « dans ces odeurs de friture, dans cette rumeur joyeuse, chaotique, ce jour là dans ce fast-food blindé de jeunes gens comme toi. »
Oui, le nouvel album du Michel Cloup Duo est un album d’une prime et fervente jeunesse, ragaillardie par la ferveur de l’utopie et l’enchantement de la musique ; et où le corps et la pensée peuvent danser de concert.
Michel Cloup Duo – Danser danser danser sur les ruines
Label : Ici d’ailleurs
Date de sortie : 29 mars 2019