Bambi veut un enfant que Félix refuse catégoriquement, la question risque de les séparer même s’il s’aiment toujours. Un petit grain de sable cachée sous une chevelure blonde pourrait changer la donne.
En lisant ce livre, j’ai très vite pensé à un roman de Jonathan Coe, la deuxième partie d’un diptyque commencé avec « Bienvenue au club » et complété par celui que j’évoque « Le cercle fermé ». Ce livre raconte l’histoire d’une bande de copains qui se retrouvent après qu’ils ont terminé leurs études, qu’ils se sont installés dans leur vie professionnelle, ou pas, qu’ils se sont éventuellement mariés, qu’ils ont assuré, pour certains, leur descendance et qu’ils ont perdu la plupart de leurs illusions qui faisaient l’objet du premier opus de ce diptyque. Dans le livre de Jean-François Pigeat, il s’agit également d’un petit groupe de copains qui ont atteint l’âge où on a trouvé un job, un conjoint, un appartement, où on a des enfants et si on n’en a pas encore on se pose la question d’en avoir ou pas.
Félix, garçon plutôt timide, introverti, timoré, a déjà un roman à succès à son actif, il a rencontré celle qu’il surnomme Bambi lors d’un voyage en Turquie, ils se sont mis en ménage, ils viennent d’acheter un appartement qu’ils ont retapé. Sans être particulièrement fortunés, Ils ont tout ce qu’il faut pour être heureux. Mais, pour respecter le fameux « ordre des choses » et céder à l’instinct de conservation en assurant sa descendance, Bambi veut absolument un enfant que Félix refuse tout aussi fermement. Le conflit latent prend de plus en plus d’intensité surtout après que Bambi a ramené à la maison la fille d’un couple d’amis pour assouvir son besoin de maternité. Mais même si cette garde tourne vite à la catastrophe cela n’altère en rien les envies de procréation de Bambi. Félix se crispe sur ses positions et le couple se dilue peu à peu dans ce conflit sur la reproduction.
Félix, le narrateur, raconte son errance, ses hébergements chez divers amis dont l’un l’emmène dans les Causses où il pourrait méditer sur son avenir afin de reprendre une vie normale, dans « l’ordre des choses ». Mais, un petit grain de sable, blonde joliment tournée, délaissée par un mai trop occupé, grippe la machine du retour au foyer. Félix balance entre les deux femmes, incapable de prendre une décision, se nourrit de ses atermoiements au risque de tout perdre.
Jean-François Pigeat raconte cette histoire avec une certaine légèreté, quelques pointes d’ironie et une certaine part d’autodérision, bien qu’elle comporte des événements tragiques. C’est l’histoire d’une génération qui a perdu le bel enthousiasme que ses géniteurs avaient emmagasiné, puis dilapidé, pendant les fameuses Trente Glorieuses. Une génération qui ne croit plus guère en « l’ordre des choses » qu’elles soient sentimentales, sociales, professionnelles, politiques ou autres. Une génération qui se perd dans un malthusianisme à la sauce XXI° siècle. Je soupçonne aussi Jean-François Pigeat d’être un bon provincial qui regarde avec un air narquois les Parisiens se prendre les pieds dans le tapis de la province et de leurs petites aventures sentimentales.
C’est un réel plaisir de lire un auteur aussi gourmand, il aime les mots, les formules imagées, les raccourcis percutants, les figures de style (en Cornouailles avec ses ouailles) et les gens qui pataugent dans leur histoire incapable de prendre leur destin en main.
Denis Billamboz
L’Ordre des choses
Roman français de de Jean-François Pigeat
256 pages – 18,00€
Editeur : Le Dilettante