En 1967, Jimi Hendrix va lâcher sur le monde du Rock une bombe dont le fracas résonne encore aujourd’hui. Une sorte de métaphysique Rock qu’Hendrix dessine avec sa guitare gavée d’effets et d’acides en tous genres. Une nouvelle façon d’appréhender son instrument, de donner chair à cette guitare ensorcelée. Une nouvelle vision du Rock qui transcende les genres et les limites. Le Big Bang a bien eu lieu et c’était en 67.
Cela doit se passer comme ça le Big Bang. Un trou béant.
Des profondeurs abyssales insondables, le néant à portée de main.
Tout à coup une étincelle, un point lumineux dans le rien qui dilate ta pupille et annonce un bouleversement.
Un éclat qui s’intensifie au loin, qui s’approche à la vitesse de la lumière. Un halo immaculé qui t’enveloppe, qui te transporte aussi léger, aussi inerte qu’une feuille morte soufflée par le vent.
Et là, une déferlante de sensations te percute de plein fouet faisant valdinguer ton corps amorphe comme un drapeau en plein vent.
Des litres de couleurs qui dégoulinent de partout, des jets de peintures criardes sur le blanc immaculé.
Des éclats lumineux crachés sur une toile vierge comme un Jackson Pollock sous acides.
Des couleurs opposées, ennemies qui s’accordent pourtant merveilleusement et remplissent ton œil de la plus belle des lumières.
C’est une décharge électrique qui traverse ton corps.
Une électricité bienfaitrice qui stimule tes muscles, détend tes nerfs et défroisse les plis de ton falzar.
Des frissons violents qui te secouent comme un prunier et shake la moelle de tes os comme un gin tonic bien tassé.
Une chaleur torride enfonçant ses ongles acérés dans ta poitrine, faisant bouillir ton sang comme le mercure d’un thermomètre planté en plein coeur d’un ampli Marshall.
Après le grand chambardement, la grande explosion libératrice, vient le temps de la construction, de l’assemblage furieux et inspiré.
Du bruit.
Des sons inconnus comme l’avènement d’un monde.
Tantôt caressant ton âme comme le plus doux des soupirs soufflé au creux de ton oreille, tantôt déchirant ton tympan avec une violence animale incontrôlée.
Une guitare à la fois arme de guerre et objet sexuel.
Une sensualité à fleur de notes. Un son qui, tour à tour, te déshabille doucement, te caresse comme le plus doux des amants, t’embrasse la nuque faisant frissonner ton épiderme hyper sensible et la seconde d’après te culbute sur la table de la cuisine, te viole sans ménagements en te filant des claques sur le cul.
Une musique agressive et sans concessions, la modernité en pleine gueule, sans explication, comme une évidence.
Parce que c’est l’évolution normale, parce qu’il fallait en passer par là pour grandir.
Il fallait griffer, déchirer, faire que le sang coule.
Puis casser, détruire.
Brûler l’arme du crime, cette guitare ensorcelée, dans un autodafé vaudou multicolore pour mieux la ressusciter et tel un phénix de bois, la rendre immortelle.
C’est tellement compliqué et pourtant si simple.
C’est le cosmos dans la paume d’une main.
Ca prendrait des siècles et des siècles pour les hommes, et juste une petite seconde pour les Dieux.
Un claquement de doigts.
Il paraît que c’est comme ça que naissent les étoiles…
Renaud ZBN
The Jimi Hendrix Experience – Are You Experienced est sorti sur Polydor le 12 mai 1967