Une conclusion en beauté de la fameuse série de « rural fantasy fromagère » au goût de revenez-y, avec jusqu’au bout cette alliance parfaite de burlesque et de merveilleux…
Pistolin est parvenu à mettre fin au règne du mage Kobéron, augurant du retour à la tranquillité de Saint-Azur-en-Lagune, le petit village de pêcheur englué par les fientes des aigles du tyran. Désormais, il peut regagner sa vallée paisible pour y produire de nouveau son Pécadou. Mais chemin faisant, il devra se méfier des hordes de bandits en embuscade…
Nous voilà donc parvenus à la conclusion de cette trilogie fromagère, avec un troisième tome qui ne faiblit pas en matière de gags et de rebondissements. Cette fois, Pistolin aura même la chance de rencontrer Dieu en personne, sous la forme inattendue d’un vieux jardinier placide. Le créateur va tenter de sortir le pauvre berger des écueils que celui-ci ne semble pas en mesure d’éviter, du fait notamment de sa propension remarquable à l’échec mais aussi d’une capacité de raisonnement quelque peu limitée…
Une fois encore, le lecteur passera un très bon moment grâce au formidable talent des deux auteurs. Indéniablement, Wilfrid Lupano est un excellent scénariste (ça commence à se savoir depuis un petit moment) et maîtrise parfaitement les ficelles pour produire un bon gag en affinité avec l’air du temps : décalé (avec insertion d’éléments contemporains dans une histoire pseudo-médiévale), un rien potache, toujours sous-tendu par des préoccupations actuelles (les ravages d’un libéralisme sans frein, l’écologie…), et servi par des dialogues truculents dans la veine d’un Audiard et ou d’un Astier. Le dessin n’est pas en reste, et Relom fait plus qu’assurer le job. Guère étonnant qu’il ait fait ses premières armes à Fluide glacial et à Psykopat, son style évoquant immanquablement Gotlib, mais un genre de Gotlib cinématographique, car si les mimiques des personnages font péter de rire, l’environnement et les paysages sont admirablement représentés, avec un luxe de détails incroyable et une mise en couleurs très soignée. L’alchimie entre les deux compères semble décidément avoir joué à plein. Résultat : Traquemage s’impose comme une des meilleures séries comiques de ces dernières années avec Les Vieux fourneaux (pour lequel Lupano est encore aux manettes).
Le tout est extrêmement inventif, avec des personnages bien campés, même quand ils sont secondaires. Outre le gentil et nigaud Pistolin, on se souviendra longtemps de la délurée fée Pompette, de la drôlissime Myrtille, dont le statut est passé de simple cornebique à monstre de foire, ou de l’hilarant Merdin l’enchianteur, aussi crédule que dangereux avec son don de mettre la poisse à quiconque le croise. Et on s’y est tellement attaché depuis le début, à ces drôles de zigues, qu’on a presque l’impression de les connaître de longue date. C’est lorsqu’on referme ce troisième et dernier tome qu’on se dit avec regret qu’une telle série avait tout pour devenir les Astérix et Lucky Luke du XXIe siècle, si les concepteurs n’avaient restreint l’aventure à trois volets… Mais qui sait, devant un succès populaire croissant, peut-on espérer un changement de braquet de la part des auteurs et de l’éditeur ?
Laurent Proudhon
Traquemage, tome 3 : Entre l’espoir et le fromage
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessin : Relom
Editeur : Delcourt
Collection : Terres de légendes
56 pages – 14,95 €
Parution : 9 janvier 2019
Je ne connaissais pas, ça a l’air bien cool !
Sans exagérer, c’est hilarant, j’ai passé un très bon moment !