A la fin des années 80, les squats de Paris recrachent des dizaines de petits Punks dans la nature qui vont forger à la force du poignet ce qui deviendra le Rock Alternatif. Les Négresses Vertes sortent des bars borgnes de la capitale et investissent ce néo-Punk explosif. Accordéon plaintif, guitares saturées ou cuivres clinquants, les NV viennent revigorer avec quelques autres une variété Française moribonde, étouffée par un Top 50 tout-puissant. Le Rock Alter’ comme la vitamine bienvenue d’une chanson Française endormie. Voilà l’été, les amis !
Milieu des années 80.
Depuis déjà quelques années, la musique populaire Made in France s’uniformise dangereusement au gré d’une télévision toute puissante, modeleuse d’esprit et créatrice de modes. Elle s’immisce dans la variété, et vend à grands coups de bourrage de crâne publicitaire les chansons de l’été aux ménagères de moins de cinquante ans comme un vulgaire vendeur de beignets gueulant les différents parfums de ses saloperies dégoulinantes. Insidieusement, la télévision formate les oreilles lasses de son public en offrant la facilité musicale dans leur plateau-repas.
Ces Macarena et autres Lambada viennent faire bouger sur des rythmes latinos fabriqués dans les studios de la plaine Saint-Denis la fesse molle de la maman fatiguée.
La variété Française par le biais de la télé, des radios jeunes et de la publicité se transforme inexorablement en variétoche.
Le travail d’écoute, de découverte, est pré-mâché par les grands médias comme une maman oiseau estampillée « boîte à cons » donnant la becquée à ses oisillons bas du front.
Mais depuis quelques temps les bas-fonds Parisiens, comme une marmite sur le feu, bouillonnent et commencent à enfumer le ciel rose bonbon de la variétoche institutionnelle.
Des petits groupes apparaissent ça et là sur les trottoirs de la capitale, émergeant de la scène Punk du tout début des eighties et hantant les restes d’un Paris « populo » en voie d’extinction.
C’est la grande époque du Rock Alter’ qui débute dans les caves enfumées et les squats croulants du XIXème et XXème arrondissements de Paname la rebelle.
Bérurier Noir, La Mano Negra, Lucrate Milk, les Garçons Bouchers et le gros Hadji-Lazaro avec Boucheries Productions qui va balancer des pelletées de petits Punks irresponsables et bruyants sur le paysage underground musical Français.
C’est le réveil des sans-grades, d’un Paris sous-terrain qui explose au grand jour.
Et ça marche !! Les Béru commencent à passer en radio et la Mano cartonne sur scène et sur les ondes.
Les portes s’ouvrent, c’est le moment pour Les Négresses Vertes de pointer le bout de leur nez cassé.
Les Négresses Vertes, collectif de zicos Punks et braillards réunis sous ce doux sobriquet pour réveiller un Rock Français atone qui ne demandait qu’un coup de pied au cul pour se remettre sur les rails.
Musiciens soûlards traînant les rades malfamés du XIX ème, entre boeufs improvisés sur le coin d’un bar et bastons de clodos sous une porte cochère, c’est les pieds dans le caniveau et les pompes pataugeant dans la pisse qu’ils se feront la main. L’école de la rue en quelque sorte.
Toutes ces années à se faire dégager à coups de pieds au cul des troquets par des patrons aussi avinés qu’eux; ces patrons qui les traitaient de Négresses vertes à cause de leurs crêtes verdâtres sur le crâne, collées à la 8/6.
Ces années d’apprentissage semblent définitivement terminées.
Mlah voilà le titre de leur première galette.
Et pour une première fois, c’est tonitruant. Un dépucelage sauvage et festif pour tes cages à miel.
Un mélange improbable de genres, de styles, de langues et d’ambiances.
La digestion réussie d’un buffet gargantuesque où les entrées les plus légères, les mises en bouche les plus délicates sont jetées pèle-mêle dans l’estomac gigantesque des Négresses avec les pires plats en sauce, les ragoûts les plus gras ( Une « PUTAIN » d’omelette avec les yeux de ton père ).
La rencontre alcoolisée entre la chanson réaliste Française et ses portraits au couteau et une World Music au fort accent Sud Américain. Un coup de foudre irrésistible qui finirait sur la banquette arrière d’une R16 dépareillée et donnerait naissance dans un orgasme explosif à cette clique folle de manouches géniaux.
Mlah ça veut dire « Tout va bien » en Arabe, mais c’est aussi le son de la beigne que tu viens de prendre en pleine poire: MLAH !
Renaud ZBN
Les Négresses Vertes – Mlah est sortir le 15 novembre 1988 sur le Label Off the Track Records.
Tracklist :
La valse
Zobi la mouche
C’est pas la mer à boire
Voilà l’été
Orane
La faim des haricots
Les yeux de ton père
Il
L’homme des marais
Les rablablas les roubliblis
Marcelle Ratafia
La danse des négresses vertes
Hey Maria
Le père Magloire
Références