Avec leur 8e album, Wheeltappers and Shutters, les quatre garçons de Liverpool jettent un coup d’œil dans le rétro et regardent les années 70 avec ironie, noirceur et lucidité. La nostalgie, c’est glauque.
Commençons par quelques chiffres : 7, 8, 12 et 28. Déjà 7 ans d’attente pour découvrir le 8ème album de Clinic. Wheeltappers and Shutters est composé de 12 morceaux pour un trip long de 28 minutes. Le frontman Ade Blackburn n’a jamais favorisé les épanchements en longueur mais cette fois-ci, les morceaux sont encore plus réduits, à l’os, on excède rarement les 2mn30. C’est d’ailleurs la grande performance des britanniques que de créer des ritournelles obsessionnelles à l’intérieur d’un espace si étroit (en témoignent Mirage et Flying Fish).
Le choix du titre de l’album est une référence à un show de variétés sur la télé anglaise entre 74 et 77, elle-même s’inspirant du nom donné aux clubs pour divertir les cheminots après le labeur. Mais ce qu’a voulu faire Clinic, c’est de désacraliser cette période : « Cela me fascine que les gens considèrent les années 70 comme des heures de gloire. Il a été démontré qu’il y avait un côté plus sombre et plus pervers à cette époque. Quand on y repense, c’était clairement présent dans la culture dominante » explique Ade Blackburn, le chanteur masqué de Clinic.
Alors, le spectacle existe bel et bien, à ceci près qu’il est servi par des clowns moqueurs (Laughing Cavalier). Et quand la fête s’éternise, elle est plongée dans l’obscurité (Rubber Bullets) et les semelles collent au sol (Be Yourself/Year of the Sadist). L’usage magistral des rifts de guitares, de synthétiseur vintage et de touches électro rend l’atmosphère à la limite du palpable.
On nous parlera de post-punk, de krautrock ou de psyché-expérimental et il y a, en effet, des citations de ces genres, mais le plus évident est que Clinic joue du Clinic. Leur discographie s’épaissit et prend la forme d’un long et lent fleuve aux eaux troubles où seuls quelques détails nous font comprendre qu’on avance malgré tout. Le plus flippant, c’est qu’il fait nuit et que c’est la voix de Blackburn qui nous guide. En même temps, c’est pour ça qu’on s’y est immergé.
Jean Nicolaï