Série atmosphérique, énigmatique, agaçante comme fascinante, The OA déploie sur son deuxième opus une folle inventivité créative et narrative. Et qui côtoie enfin des sommets inquiétants.
Il est des séries impossibles à décrire, à commenter de manière simple et raisonnée, et dont la critique semble une vaine entreprise tant elle ne peut se contenter d’une unanimité confortable. Chroniquer the OA, c’est un peu donner son avis sur un film récent de Lynch, ou avoir un avis objectif sur un film de Terrence Malick… leurs oeuvres devenues hors-normes, surréalistes parfois ou tout bonnement sans logique certaine, se laissent contempler – bon gré ou mal gré – plutôt que de chercher à se faire comprendre et apprécier.
C’est donc le cas, vous l’aurez compris, pour la production Netflix de Zal Batmanglij et Brit Marling, qui sont récemment revenus sur le devant de la scène sérielle, après 3 années de silence radio, pour des fans laissés hagards par un final de première saison aussi improbable que marquant.
L’histoire ? ouh là… tentons. The OA évoque le destin de Prairie, jeune fille autrefois aveugle et kidnappée, mais retrouvée, avec sa vue, et qui essaie à qui veut l’entendre d’expliquer ce qui lui est arrivé. Soit sa séquestration par un scientifique taré qui pratiquait des expériences de mort imminente avec 4 autres. Le groupe, enfermé dans des cubes-bulles, pouvait s’échapper de ce quotidien sordide par un enchaînement chorégraphique commun qui tentait de les amener vers une autre dimension. Une danse étrange et mystique qui fera échapper de la mort Prairie, alors ex-prisonnière, lors d’une tuerie lycéenne, et qui clôturait mystérieusement la saison 1. Pour la suite, les scénaristes ont voulu à la fois apporter des réponses, amener le spectateur vers encore plus d’arcs narratifs, et clairement donner une dimension incroyable à une série qui, je l’avoue, ne m’avait pas beaucoup convaincue il y a 3 ans.
Désormais, Prairie est passée dans une nouvelle dimension : elle est Nina, russe, patiente d’un hôpital psychiatrique tenu par un directeur qui était le savant fou dans l’autre temporalité ; ses potes de « cellule » sont devenus fous, le petit groupe à qui elle racontait son histoire cherche à la retrouver malgré les dimensions parallèles, et, comme si c’était déjà pas compliqué du tout, un détective privé chargé de retrouver une ado disparue croisera la route de Prairie et embarque avec elle pour retrouver la gosse perdue dans les dimensions.
A première vue, cela a l’air chelou, et ça l’est. Et pourtant, sous ce fouillis narratif teinté de mysticisme new age, et de fantastique qui peut paraître grand guignol, The OA arrive à nous happer, beaucoup plus que la précédente fournée. Car les scénaristes osent tout, et ne s’embarrassent plus de longueurs qui ralentissaient un schéma narratif WTF autrefois : ils vont vite, loin, plongeant un peu plus les spectateurs médusés dans leur univers baroque et angoissant, avec pourtant des dénouements et des intrigues qui semblent limpides. Ni vu ni connu j’t’embrouille. Mais comme ils sont très doués, ou nous complètement anesthésiés, la magie opère. Et se déverse sous nos yeux une flamboyante série aux accents lynchiens très forts, où l’on se perd avec délices dans les différentes temporalités d’un récit choral, étrange et glauque, sans que jamais nous n’ayons envie du bouton « off » de la télécommande. Drogue puissante, la série que chacun va tenter d’expliquer à sa manière, a décidé d’embarquer son monde bouche cousue, yeux grands ouverts, en leur promettant des vertiges de montagnes russes sans décoller du siège.
Amateurs de trips assez dingues et prenants, c’est pour vous. Les pragmatiques aux shakras plutôt fermés, passez votre chemin.
Jean-françois Lahorgue
The OA, série (US) de Brit Marling et Zal Batmanglij
Avec Brit Marling et Jason Isaacs
Deux saisons (10×45 mn)
Diffusion : Netflix – 2016 et 2019