Album inattendu pour tout un tas de bonnes (le changement de style musical) et de mauvaises raisons (la drogue), Serf’s Up! prouve qu’on a raison de continuer à espérer le meilleur de Fat White Family.
On était tous tellement persuadés que Fat White Family n’avait aucun avenir, tant les ravages des drogues et d’une attitude généralement peu compatible avec le simple concept de « futur », que quand on a entendu le monstrueux, le grandiose, l’épique Feet en ouverture de leur nouvel – et troisième – album, Serf’s Up!, on n’en a d’abord pas cru nos oreilles : sans rien renier de leur crédibilité Rock acquise à force de coups de génie et de conneries sans nom, voilà que Fat White Family trouve sur le terrain de LCD Soundsystem et de Primal Scream une inspiration titanesque.
Il faut néanmoins être réaliste, tout Serf’s Up! n’est pas du niveau de sa bluffante introduction, qui lui a valu ça et là un enthousiasme critique parfois excessif. D’abord parce que le chant de Lias Kaci Saoudi a certes son charme, mais peine ici à réellement incarner nombre de morceaux, trop vaporeux et planants, durant lesquels notre attention se relâche cruellement. Ensuite parce que l’abandon des guitares en faveur des claviers et nombreux bidouillages électroniques caressent finalement un peu trop la mode actuelle dans le sens du poil, venant de la part d’un groupe dont on attend quand même toujours qu’il fasse exploser les codes de la trop sage musique contemporaine. Ce sont néanmoins là de petites réserves face à un album qui déploie un sens mélodique étonnant, quasi imparable (I Believe in Something Better, Fringe Runner, le délicieux Oh Sebastian,…), et qui évoque régulièrement de bien beaux fantômes, comme ceux de Can ou de Suicide, tout en faisant largement écho au travail de Damon Albarn, de Blur à Gorillaz.
Car la grande réussite de Serf’s Up!, outre que, comme on l’a déjà dit, il nous rassure quant à l’avenir de l’un des groupes les plus importants de notre époque – un groupe à proprement parler MUTANT -, c’est sa capacité à mêler inextricablement élégance, sensualité et noirceur absolue. Oui, cet album nous fait danser, voire même chanter sous la douche (comme avec l’imparablement « bolanesque » Tastes Good With Money), mais il nous file quand même un sacré bourdon.
Et ce sera pour ça qu’on l’aimera surtout, en cette année 2019 où la « révolte des serfs » semble pourtant s’épuiser face aux puissants, et où notre planète tourne de moins en moins rond.
Eric Debarnot