Il faisait très chaud au Bois de Vincennes ce samedi, mais We Love Green nous a offert une cure de Rock incandescent avec Yak, IDLES, Metronomy et Sleaford Mods… ce qui n’a pas aidé à faire baisser la température !
Ce samedi 1er juin est – enfin – notre premier vrai jour d’été à Paris, et ça tombe plutôt bien (enfin pour ceux qui ne craignent pas le cagnard et les 30 degrés à l’ombre…) puisque c’est aussi le premier jour de We Love Green, joli festival au message écologique. Il est 14h, la petite foule, qui deviendra grande, envahit tranquillement le Bois de Vincennes, et on va débuter notre mini marathon – qui s’apparente quand même à un slalom pour qui est fan de Rock et souhaite éviter certains artistes par trop éloignés du genre – par nos amis de Yak, qui vont devoir affronter l’indolence de ce début d’après-midi pour tenter d’instaurer leur habituelle intensité. A noter, et c’est notable, l’attitude fort sympathique et cool d’Oliver Henry Burslem, le leader du groupe, qui vient discuter avec le premier rang avant son soundcheck.
14h40 : il y a évidemment une différence radicale entre un concert de Yak devant un public convaincu et passionné, et un set de 40 minutes devant deux rangées de fidèles (nous…) avec, derrière, des “tourists” qui tuent le temps. Oliver entame son set de manière très décontractée, au point qu’il semble même peu impliqué : entre son mégaphone qui ne fonctionne pas et dont il devra se passer, et son orgue à laquelle il touchera peu, Oliver semble surtout décidé à jouer lui aussi au touriste et profiter de son après-midi ensoleillée et de sa soirée (foot et bière, parierait-on ?). Un avantage quand même pour nous, la possibilité dans cette atmosphère décontractée de bien profiter de ses chansons – les nouvelles en particulier -, dont la complexité est mieux honorée ainsi qu’au milieu d’un moshpit frénétique… Il reste qu’on est forcément un peu frustrés,.., jusqu’à ce qu’Oliver se décide, au bout d’une petite demi-heure à resserrer les boulons et à envoyer un peu de bois. Yak nous enchante enfin, tout le monde a le sourire. Pour finir en beauté, Oliver fait monter sur scène un enfant à qui il confie sa guitare : ravissement de la famille bien sûr, et c’est vrai que c’est un joli geste. Les 40 minutes se referment ainsi dans une allégresse conviviale.
15h30 : j’ai filé sous la tente transformée en étuve qu’ils osent nommer “Scène de la Clairière”, pour assurer une bonne place pour IDLES, et du coup j’assiste au set de Blu Samu, jeune femme belge d’origine portugaise, étoile montante de la très active scène hip hop de Bruxelles… et d’abord un peu intimidée par la taille du public (un « bonsoir » à 15h30 la trahit…). Elle chante plutôt bien, rappe un peu, elle fait preuve d’un bel enthousiasme souriant, et globalement semble satisfaire tous les (très nombreux) jeunes qui ondulent et dansent autour de moi. Pas de musiciens derrière elle, juste un DJ qui gère la musique pré enregistrée. Elle est malheureusement – pour elle – vêtue d’un haut peu commode pour se démener sur scène, et qu’elle doit retenir trop souvent pour l’empêcher de tomber… J’ai du mal à trouver ça passionnant, mais je sais bien que c’est une question de génération et de références… Un duo énergique avec une autre rappeuse d’Anvers, puis un final sur un titre plus accrocheur, Grippa, anime quand même le public, avant qu’elle organise un moshpit un peu surprenant… et un peu vide ! Elle viendra après son set parler à ses fans et se faire photographier, avec une gentillesse qui l’honore…
17h : IDLES, ça commence comme il y a 6 mois au Bataclan, par un Colossus en build-up euh… colossal qui plonge le public dans l’hystérie en moins de 5 minutes. Et puis on enchaîne comme à la parade avec Never Fight a Man with a Perm, puis I’m Scum, et alors on se dit qu’on a peut-être déjà trop vu IDLES récemment pour être encore surpris… Sauf que Danny Nedelko nous prend une fois de plus par surprise, et l’émotion nous serre la gorge sur le magnifique refrain hurlé en chœur par le public survolé : « He’s made of bones, he’s made of blood / He’s made of flesh, he’s made of love / He’s made of you, he’s made of me / Unity / Fear leads to panic, panic leads to pain / Pain leads to anger, anger leads to hate / Yeah, yeah, yeah, yeah, ah, ah, ah, ah… », histoire de nous faire oublier une petite heure les imbécilités du Brexit et la laideur des nationalismes triomphants. Pardon d’avoir douté, les gars ! Mark Bowen, très classe en slip Calvin Klein, plonge dans la foule mais en ressort vite pour prévenir le service d’ordre : mauvais esprit, bagarre, pas fun, etc. ! On remarquera d’ailleurs qu’il lui faudra un certain temps pour récupérer son habituelle joie de vivre. Et puis c’est Mother, une version formidable, puissante, rageuse. « Mother… Fucker ! », pour hurler notre colère contre un monde qui a brisé nos mères. Oui, IDLES est grand, très grand. Samaritans enfonce le dernier clou : « The mask of masculinity is a mask, a mask that’s wearing me / …/ This is why you never see your father cry », peut-être la meilleure version que j’en aie entendue sur scène : grandiose, tout simplement. Le moshpit est infernal, mais maintenant joyeux et bon enfant. Mark et Lee font des allers et retours entre la scène et le public. Puis ils feront monter sur scène deux jeunes femmes pour les remplacer aux guitares dans le chaos de Exeter. On termine par l’habituelle hymne antifasciste, Rottweiler, privée cette fois de son final bruitiste, horaire oblige, car il est déjà 18h. Frustration… mais pas trop car ce concert de IDLES a été – pour le moment – le meilleur que j’ai vu d’eux depuis la sortie de « Joy as an Act of Resistance« . Un pur bonheur !
Après ça, direction la grande scène, pardon la scène de la Prairie, afin d’assurer une place correcte au premier rang pour Metronomy. Mais pour ça, il faut supporter une heure de Rex Orange County, jeune compositeur anglais d’indie pop matinée de sons « contemporains ». Beaucoup de petites jeunes filles ravies devant la scène, pour un set que j’ai personnellement trouvé d’une banalité confondante. Pas de voix, pas de présence scénique, des chansons très pauvres, le jeune Alexander O’Connor n’empêchera pas Elton John de dormir, ni même Paddy McAloon (…ou bien Joseph Mount, justement !). Avec de jeunes « héros » de ce niveau, la pop anglaise n’est pas près de retrouver sa gloire d’antan…
20h45 : Joseph Mount et sa belle équipe sont cette fois en tenue blanche et bleue, mais le set up de la scène reste identique à celui de la dernière tournée… une tournée qui nous avait un peu laissés sur notre faim. Après une introduction instrumentale charmante – Boy Racers ? – où chaque musicien décline ses « credentials » écolo (ou pas), Metronomy attaque fort avec une version revisitée et ramassée de The Bay. Joseph est en pleine forme, plus expansif qu’à l’habitude. La set list est consacrée en grande partie à de nouveaux morceaux, tous très immédiats, très directs, plus puissants et plus rock peut être même que tout ce que Metronomy a fait jusqu’à présent. Basse en avant façon New Order, décollages enthousiasmants, mais toujours ces petits gimmicks de claviers accrocheurs qui sont la marque du groupe. Wedding Bells sera le nouveau morceau qui soulèvera le plus la foule, et sans doute le sommet du set. Joseph affirmera d’ailleurs : « c’est la musique que j’aurais toujours dû faire ! »… Sinon, pour faire plaisir à tout le monde, on intercale les hits : Everything Goes My Way, Reservoir, Old Skool, Love Letters, The Look,… Le set se termine au bout d’une heure par une version sanglante et électrique de You could easily have me, avec deux guitares déchaînées. Le groupe rayonne, les spectateurs dansent dans le soleil et la température qui s’adoucit un peu avec le soir qui arrive. Tout le monde est content. Le nouveau Metronomy devrait plaire à un public plus large, et Joseph semble avoir triomphé de ses démons. A suivre, et avec attention…
On va finir la soirée à la petite scène de la Canopée où Sleaford Mods vont essayer de nous prouver qu’ils sont plus pertinents que les ennemis qu’ils que sont choisis, dans un esprit de rivalité entre groupes très anglais, IDLES. Ça va être dur, mais on est là pour leur donner leur chance…
21h35 : on a dû attendre que Sebastian ait fini de faire beaucoup de bruit à côté pour que les mods terribles de Sleaford puissent débuter leur set. Je me dis qu’ils doivent être un peu vénères puisqu’au même moment se joue la finale de la Ligue entre deux clubs de foot anglais, mais peut-être pas, car Jason Williamson va se donner à fond pendant l’heure qui suivra. Bon, ça surprend un peu au début de voir Andrew Fearn, les mains dans les poches à se trémousser tranquillement derrière son ordi, un grand sourire permanent lui barrant le visage. Jason porte donc tout le set sur ses épaules, débitant à la mitraillette ses textes virulents, parsemés d’une infinité de « shit » et de « fuck ». Ce n’est pas vraiment du punk rock, pas du hip hop – et heureusement pour moi -, ça tient de la performance théâtrale, du ballet, du mime. C’est drôle, c’est insolent, c’est vulgaire mais aussi terriblement ambitieux. Certaines expressions, certaines envolées cyniques et gouailleuses évoquent en effet Johnny Rotten – d’où l’étiquette punk, justifiée aussi par la conscience sociale agressive qui nourrit les textes de Sleaford Mods. Par moment, on frôle l’hystérie, peut-être l’extase, au détour d’une explosion de rage ou d’un tour de force scénique. Il est bien sûr difficile de suivre la logorrhée de Jason, et on se dit qu’une bonne connaissance des morceaux permettrait de vivre le set de manière plus profonde,.. mais même ainsi, c’est un spectacle stimulant, original, qui soulève parfois. A 22h35, nos deux anglais plient les gaules, ils ont l’air vraiment contents de la soirée, surtout Andrew qui n’a jamais quitté son air hilare.
Une belle conclusion d’une belle journée de musique au soleil. On revient bien sûr demain, pour cette fois un passage plus bref, vu la programmation nettement moins stimulante pour nous.
Texte et photos : Eric Debarnot
La setlist du concert de IDLES :
Colossus (Joy as an Act of Resistance – 2018)
Never Fight a Man With a Perm (Joy as an Act of Resistance – 2018)
I’m Scum (Joy as an Act of Resistance – 2018)
Danny Nedelko (Joy as an Act of Resistance – 2018)
1049 Gotho (Brutalism – 2017)
Divide & Conquer (Brutalism – 2017)
Mother (Brutalism – 2017)
Date Night (Brutalism – 2017)
Love Song (Joy as an Act of Resistance – 2018)
Samaritans (Joy as an Act of Resistance – 2018)
Exeter (Brutalism – 2017)
Rottweiler (Joy as an Act of Resistance – 2018)