On ne se fait pas trop d’illusions non plus sur la programmation rock de We Love Green, mais 2019 est plutôt un bon cru dans ce domaine, et cette seconde journée vaut surtout par son contingent venu des Antipodes : Pond, Courtney Barnett et Tame Impala…
14h : …03mais on commence par voyager un peu moins loin, on va d’abord en Turquie en compagnie du groupe hollando-turc Altin Gün (qui signifie a priori « l’âge d’or ») qui défraie pas mal la chronique depuis quelques mois. Seul problème, ils vont devoir jouer devant un public des plus réduits, entre l’heure « matinale » de leur programmation et la chaleur aujourd’hui infernale qui règne devant la Scène de la Prairie. Mais dès les premières notes, on est rassurés, ce funk oriental à la fois dansant et rêveur colle parfaitement à l’ambiance estivale du jour.
Cinq jeunes musiciens motivés et heureux d’être ensemble sur scène dans ce « Parisian Summer », et pour les Turcs du groupe, peut-être aussi loin de la dictature d’Erdogan que l’on imagine mal goûter cette musique occidentalisée d’une jeunesse pervertie. Merve Dasdemir, la charmante chanteuse rousse, qui nous a gratifié d’un joli « coucou » à son arrivée, attire tous les regards, tandis que Erdinc Ecevit Yildiz, chanteur, joueur de saz – un instrument traditionnel turc – et claviériste, a un look un peu dark, décalé avec la musique sensuelle et festive du groupe. Quelques morceaux organisent savamment la rencontre entre tradition et modernité, et s’avèrent les plus passionnants. Le groupe sait aussi faire monter l’intensité, mais le set d’une heure n’échappe pas complètement à un léger sentiment d’uniformité, ou tout au moins de répétition. De plus, on peut être réticents devant l’usage systématique de claviers au son très seventies, fatigants à la longue. On imagine toutefois ce jeune groupe plus convaincant dans une petite salle que dans ces conditions extrêmes. Bravo en tous cas d’avoir vaillamment relevé le défi de l’horaire et de la température !
15h30 : sur la scène de la Canopée, les premiers représentants du Rock Australien, Pond, attirent beaucoup de monde, eux. Et, quand on connaît mal le groupe, hormis son histoire commune avec celle de Tame Impala (puisque les deux groupes ont eu nombre de musiciens en commun), on ne s’attend pas vraiment au spectacle offert par Nick Allbrook, leader flamboyant, mini star absolue, entre gouaille rigolarde, théâtralité affirmée, excès en tous genres, etc. Si l’on marche dans son jeu, le concert de Pond devient une fête, on oublie les facilités musicales qui rappellent un peu INXS à l’époque de son triomphe planétaire, et on s’amuse… Pond joue plusieurs titres extraits de leur dernier album, Tasmania, qui sont plutôt impressionnants, et immédiatement accrocheurs. A la fois inspiré, avec de belles envolées lyriques, dansant et parfois très rock (chaque fois qu’il s’empare de sa guitare, Nick nous expédie un solo foudroyant !), voici un set roboratif, qui soulève un profond enthousiasme dans le public.
Maintenant il faut courir pour ne pas manquer le début du set de Courtney Barnett, principale raison de notre présence aujourd’hui, avec dans la tête le souvenir de son très beau concert au Casino de Paris en novembre dernier. Heureusement Courtney joue sous le chapiteau de la Clairière, à deux pas…
16h20 : Courtney est en formation trio aujourd’hui, donc avec un son plus « basique », mais qui finalement met bien en valeur son remarquable jeu de guitare. Une fois encore, on est frappés par l’assurance qui se dégage désormais de la jeune femme, qui prend un plaisir visible à l’exercice de la scène. Bien supportée par sa section rythmique, elle se laisse aller à de régulières exhibitions façon « guitar hero » sur le devant de la scène, à la plus grande joie du public qui hurle de satisfaction. La set list est une version raccourcie de celle de la dernière fois, avec un bon équilibre entre les titres des deux albums, auxquels vient s’ajouter la nouvelle chanson, Everybody Here Hates You, avec son final en crescendo. C’est pourtant toujours le radical I’m not your Mother, I’m not your Bitch qui est le point culminant du set, parfaite expression des revendications féminines et affirmation puissante d’une rockeuse qui n’a rien à envier à ses confrères masculins, au contraire… Le set se termine au bout de 55 minutes sur l’enchaînement parfait de Nobody Really Cares if you don’t Go the Party et du plus grand succès de Courtney, Pedestrian at Best. Courtney confirme donc haut la main qu’elle est désormais à un niveau qui la rend incontournable pour qui aime le rock bruyant et intelligent à la fois… tous sexes confondus !
Il est 17h15, plus de cinq heures à tuer devant des artistes qui ne nous intéressent pas outre mesure, avant la prestation de Tame Impala : il vaut mieux déclarer forfait… On aura bien une autre occasion de voir Kevin Parker sur scène cette année ! En tous cas, avec 80.000 spectateurs et ses deux jours sold out, We Love Green 2019 est clairement un succès…
Texte et photos : Eric Debarnot
La setlist du concert de Courtney Barnett :
Avant Gardener (How to Carve a Carrot into a Rose EP – 2013)
City Looks Pretty (Tell me who you Really Feel – 2018)
Small Talk (new song)
Need a Little Time (Tell me who you Really Feel – 2018)
Nameless, Faceless (Tell me who you Really Feel – 2018)
I’m Not Your Mother, I’m Not Your Bitch (Tell me who you Really Feel – 2018)
Small Poppies (Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit – 2015)
Depreston (Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit – 2015)
Everybody Here Hates You (new song)
Elevator Operator (Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit – 2015)
Nobody Really Cares If You Don’t Go to the Party (Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit – 2015)
Pedestrian at Best (Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit – 2015)