Réapparition impeccable au Café de la Danse de l’une des légendes vivantes du Rock « classieux » (plus que « classique ») : on peut toujours compter avec le talent de Peter Perrett, notre « Only One » !
Il y eut une époque, pas forcément bénie, où pour devenir une légende du Rock, un haut niveau de consommation de drogues, une accumulation de frasques, et la perspective de mourir le plus jeune possible constituaient un chemin obligé, le talent n’étant qu’accessoire. Peter Perrett, que très peu de gens connaissent encore, surtout en nos contrées, avait tout pour devenir une telle légende, si ce n’est qu’il avait en plus ce talent de songwriter qui le distinguait de ses pairs, et le faisait régulièrement comparer à Lou Reed ou à Bob Dylan. Après la séparation beaucoup trop prématurée de ses Only Ones, et de graves problèmes de santé dans les années 80, le sort de Peter en paraissait jeté. Mais tout n’est heureusement pas logique, et voilà qu’au XXIème siècle, notre homme est reparu, travaillant désormais avec son fils Jamie, et une fine équipe (… qui enregistra temporairement sous le nom de Strangefruit) qui constitue son nouveau groupe : presque une seconde vie, avec un premier album en 2017, “How the West Was Won”, et, incroyable mais vrai, déjà un nouvel album, à paraître, “Humanworld”. De quoi rameuter au Café de la Danse tout ce que Paris compte encore de vieux rockers comme nous, nostalgiques d’une certaine attitude – cuir et lunettes noires, morgue et élégance, ce genre-là…
19h45 : on ne s’y attend pas forcément aussi rapidement après l’ouverture des portes, quinze minutes auparavant, mais voilà que déboule sur scène Blot (Laurent Blot, en fait), songwriter français armé de son courage face à la salle bien remplie et plongée dans le noir (il demandera qu’on rallume brièvement pour voir le public assis sur les gradins…), et de sa guitare électrique. Un exercice éminemment difficile, on le sait, mais dont Blot se dire avec panache : avec une voix élastique et versatile, un jeu de guitare original et surtout des chansons qui tiennent bien la route, il gagne rapidement notre attention, et même notre respect (… même s’il y a quelques individus bruyants dans la fosse qui gâchent un peu le moment…). Un petit tour loin d’être ridicule du côté des Beatles (All My Loving) nous dévoile ses sources d’inspiration. On espère avoir bientôt des nouvelles de Blot !
20h35 : alors qu’on attend l’arrivée de Peter, c’est un duo qui apparaît sur scène. Lui est guitariste et elle chante, en plus d’être blonde et belle. Ils se présentent comme Fun Time (« Rien à voir avec Iggy Pop », commente le dit guitariste), et ils nous offrent un set très court d’un petit quart d’heure, où ils interprètent souvent à deux voix des chansons que l’on peut qualifier de “classiques”, un peu folk, un peu country : rien de déplaisant, mais rien non plus de particulièrement saillant. Ils terminent avec une belle reprise de Don’t Let Me Be Misunderstood, qui évoque peut-être un peu trop la version que Lana Del Rey en a fait il y a quelques années. Un mini-set peu mémorable… sauf que quand le groupe de Peter Perrett monte sur scène, nous nous rendons compte que lui, c’était Jamie Perrett, et qu’elle – maintenant au violon et claviers – c’est Jenny Maxwell, ex-Strangefruit, justement…
21h : La première idée qui vient à l’esprit quand Peter Perrett (… et non, ami français facétieux, rien à voir avec notre vieil amuseur national, Pierre Perret et son “zizi”…) se plante derrière son micro juste devant nous, c’est : « Mon dieu, qu’il est petit !! ». Immédiatement suivi de « My god, how old does he look !! ». Mais à quoi nous attendions-nous, donc ? A 67 ans, une vie d’excès et une santé précaire vont difficilement vous faire paraître dix ans de moins que votre âge, même si vous vous teignez les cheveux en noir ! Mais qu’importe le physique, quand on a le talent de compositeur de Peter, et que cette voix sexy et narquoise, qui distinguait les Only Ones du reste de la foule “new wave” de ces années-là, semble absolument inchangée ? Le set démarre de façon parfaitement envoûtante avec un Baby Don’t Talk en crescendo de puissance, datant de la première tentative de réapparition de Peter sous le nom de “The One”. Trois minutes parfaites, et c’est gagné : on sait qu’on ne sera pas déçus, ce soir !
Peter enchaîne alors les chansons de son album précédent, “How the West was Won”, ce qui permet de faire le point sur toute cette aventure : d’abord, le Café de la Danse est rempli de fans, de vrais, qui connaissent leur songbook de Peter Perrett, ce qui garantit une ambiance parfaite de complicité ; ensuite, Peter a la chance de pouvoir désormais s’appuyer sur un groupe magnifique, centré sur ses deux fils, Jamie en brillant guitar-hero, et Peter Jr. à la basse (tous deux ont fait partie d’ailleurs d’une version des Babyshambles…), un groupe qui conjugue énergie tranchante et classe folle. Enfin, Peter lui-même semble désormais la parfaite incarnation du “British Gentleman”, humour pince sans-rire et élégante légèreté comprise.
Une petite parenthèse avec deux titres des Only Ones (From here to Eternity et surtout The Whole of the Law), et la seconde partie du set sera consacrée aux chansons du nouvel album qui sortira à la fin de la semaine, que le public ne connaît donc pas, mais qui vont se révéler d’une parfaite efficacité : intro avec un Once is Enough très rock, moment absolument enchanteur sur un Heavenly Day qui sera probablement pour tous le sommet de la soirée, puis grand moment d’excitation avec un Master of Destruction, qui est d’ailleurs surtout une chanson de et par Jamie. War Plan Red clôt le set dans une belle ambiance (logiquement) rougeoyante.
On attend le rappel, un peu stressés par l’horloge qui tourne, en sachant que 22h30 est l’heure du “strict show curfew”, et on ne sera pas déçus : l’ultra-classique (en fait LE titre de gloire des Only Ones) Another Girl, Another Planet débouchera sur un The Beast encore plus accrocheur, avant la cerise sur le gâteau, une belle (on aurait aimé dire une “longue”…) jam sur le What Goes On du Velvet, déchirée par de superbes éclats de guitare offerts par Jamie, décidément en pleine forme ce soir et responsable des meilleurs moments du concert.
Une heure et demie fort sympathique qui nous rappelle ce que la “classe Rock” signifie, une heure et demie qui remet Peter Perrett à sa juste place dans l’histoire de notre musique, sans doute trop tard pour qu’il connaisse le moindre succès commercial, voire même trop tard pour que la postérité retienne son nom… Mais, en le voyant sur scène ainsi, visiblement heureux d’être entouré de ses fils, et de pouvoir nous proposer de nouvelles et excellentes chansons à nous, qui lui sommes restés fidèles, on est prêts à parier que Peter n’a aucun regret.
Texte et photos : Eric Debarnot
La setlist du concert de Peter Perrett :
Baby Don’t Talk (The One song)
How the West Was Won (How the West Was Won – 2017)
An Epic Story (How the West Was Won – 2017)
Hard to Say No (How the West Was Won – 2017)
Troika (How the West Was Won – 2017)
Sweet Endeavour (How the West Was Won – 2017)
Living In My Head (How the West Was Won – 2017)
From Here to Eternity (The Only Ones song)
The Whole of the Law (The Only Ones song)
Once Is Enough (Humanworld – 2019)
Heavenly Day (Humanworld – 2019)
Love Comes on Silent Feet (Humanworld – 2019)
Love’s Inferno (Humanworld – 2019)
Master Of Destruction (Humanworld – 2019)
48 Crash (Humanworld – 2019)
War Plan Red (Humanworld – 2019)
Encore:
Another Girl, Another Planet (The Only Ones song)
The Beast (The Only Ones song)
What Goes On (The Velvet Underground cover)