Avec Further, dans la ligne de son album précédent, Richard Hawley s’éloigne plus encore de ses chefs d’œuvre de « crooner ultime » pour se concentrer sur l’écriture de « simples chansons », qui confirment de fait sa réputation de meilleur songwriter « classique » du Royaume Uni.
Dès le titre du nouvel album de Richard Hawley (son neuvième, quand même !), on est prévenus : pour la première fois, pas de référence à un quartier de sa ville de Sheffield ni à un lieu dit de la campagne environnante, il s’agit avec Further d’aller plus loin, peut-être de dépasser ses origines… rien que ça ! Bien entendu, si l’on a suivi la belle carrière du crooner suprême de notre génération, on sait bien qu’il lui était impossible de jamais plus atteindre la splendeur absolue de son Truelove’s Gutter, et qu’il allait bien falloir un jour l’admettre et passer à autre chose. Mais l’exploration péremptoire du courant « rock noisy » entamée avec Standing on the Sky’s Edge n’a pas franchement débouché sur une musique assez essentielle pour justifier que Hawley s’y installe… même si elle nous a valu de beaux passages électriques en live.
Alors, « plus loin », c’est où ? Oh, pas de hip hop, d’électro ou d’auto-tune – au moins pour cette fois -, Richard Hawley n’est pas Kurt Wagner (malheureusement ?), et l’album démarre de manière très étonnante, et, admettons-le, un tantinet décevante, par un Off My Mind qui sonne de manière bien ordinaire, voire même qui semble aussi « bas du cul » que « bas du front », ce qu’on n’aurait jamais cru possible de la part d’un type aussi naturellement « élégant » que Hawley… ! Il faut bien sûr passer outre ce démarrage assez calamiteux, et se laisser mener par la main au long des 10 chansons suivantes, magnifiques, pour saisir où Richard veut aller : ni plus ni moins que dans le monde imaginaire – mais diablement réel pour tous ceux d’entre nous qui, comme lui, ont vécu depuis leur adolescence dans le songbook merveilleux de la grande musique américaine -, des pionniers du rock n roll à Johnny Cash, de la country music à Elvis. Un monde imaginaire, donc, mais dont la beauté classique n’est pas – ne sera jamais sans doute – « rétro » (comme dans « rétrograde »).
Aller « plus loin », ce n’est pas du tout s’embarquer un voyage nostalgique vers le passé, qui se nourrirait d’amertume poisseuse. C’est au contraire pour Hawley une tentative de reconstruire son « Art » en repartant des bases les plus solides, en se concentrant sur l’essentiel : les chansons, qu’il s’applique à écrire avec la sagesse et l’intégrité qui était celle de ces artisans qui ont un jour inventé ces musiques, cette Musique. Des chansons qu’il ne s’agit plus d’habiller d’une voix magique ni d’une guitare électrique virtuose, mais qui doivent tenir debout toutes seules…
Ce que deux ou trois écoutes attentives révèlent, c’est que le pari de Further (… qui constitue néanmoins une continuation de Hollow Meadows, l’album précédent) est gagné haut la main : le songbook déjà impressionnant de Richard Hawley s’enrichit d’une double poignée de morceaux remarquables (écoutez Galley Girl, et dites-moi si Johnny Cash lui-même aurait fait mieux !). Collection de chansons impeccables, Further explore en toute modestie toute une multitude d’humeurs, parfois avec un panache bien anglais qui rappelle Morrissey à son meilleur (Alone), et d’autres avec cette juste précision dans le lyrisme que Hawley est bien le seul à maîtriser en 2019.
Avouons-le en toute franchise : cet « ailleurs » là, pas si loin que ça finalement, nous paraît bien hospitalier !
Eric Debarnot
Richard Hawley – Further
Label : BMG
Date de sortie : 7 juin 2019