Oh My God est-il un album de pur Gospel, une célébration de Dylan, Cohen et consorts, ou bien quelque chose d’un peu mystérieux qui ne se dévoile véritablement qu’en live ? Tout cela à la fois, probablement !
L’excellentissime concert de Kevin Morby l’autre soir au Cabaret Sauvage nous a forcément donné envie de retourner à son dernier album, Oh My God, sorti en avril dernier au milieu d’une l’indifférence quasi-générale. Et le fait que ce set ait été précédé sur la sono par des chansons de Bob Dylan et suivi par l’immortel Rock’n’roll de Lou Reed n’a fait que souligner une évidence assez grossière : à la manière de ses contemporains The War on Drugs, Morby est un héritier des « dieux » d’antan du Rock’n’Roll, auxquels il paie et repaie sans fin sa dette dans chacun de ses albums. On est en droit de déplorer cette fidélité à des canons que d’aucuns pourraient trouver usés, cet aspect presque obsessionnel de ces références un peu trop envahissantes. On peut à l’inverse célébrer une filiation, qui prolonge ce qu’il y a eu de meilleur dans le Rock : après tout, Cohen est mort, Dylan n’a plus grand chose à nous dire depuis un moment, pourquoi faire la fine bouche devant un artiste aussi inspiré que Morby lorsqu’il répète et prolonge (et actualise…) le travail de ces géants ?
Non, le problème de Oh My God – l’album – se situe ailleurs, dans l’exacerbation de cette autre obsession de Morby, le gospel. Nous ne connaissons pas assez l’homme pour juger si cette accumulation presque non-sensique de prières répétées et de clichés religieux reflète une véritable foi, ou au contraire, comme chez Cohen une volonté décalée (et drôle) d’aborder la confusion humaine au « second degré ». L’album hésite ainsi, nous semble-t-il, entre solennité (Oh My God en introduction) et dérision (OMG Rock n Roll un peu plus loin), mais se maintient largement dans une ambiance un peu compassée « but chic », qui reste souvent beaucoup trop de bon goût avec ses claviers parcimonieux : souvenons-nous pour comparer de la façon dont Cohen trouait son New Skin for the Old Ceremony (auquel cet album fait régulièrement penser) de déviances païennes pour lui offrir vivacité et surtout perspective !
On peut donc reprocher à Morby la longueur, l’uniformité et les répétitions de ce qui deviendrait presque un album « de gospel », un genre quand même assez peu enthousiasmant. Sauf que ce serait passer outre de formidables chansons (No Halo, Congratulations, O Behold, et bien d’autres…) qui continuent à placer Kevin Morby bien au dessus de la vaste majorité des songwriters contemporains. Et ce serait aussi ignorer ce que son set enflammé au Cabaret Sauvage nous a prouvé : s’appuyant sur un « big band », sur des guitares électriques bruyantes et sur des percussions euphorisantes, Oh My God devient une magnifique célébration de la résilience humaine face au chaos. Et un p… de grand moment de Rock’n’Roll, émotion brûlante et euphorie bien terre à terre incluses.
Eric Debarnot