Peu de séries TV réussissent à s’améliorer au fil du temps. Bosch, l’adaptation de ses célèbres polars réalistes produite par Michael Connelly lui-même, avec une cinquième saison très réussie, constitue donc une rassurante exception.
Qui semble a priori mieux placé que l’auteur lui-même pour adapter son œuvre littéraire au cinéma / en série TV ? Personne, me répondrez-vous, sauf que tous les fidèles lecteurs de la fameuse saga Harry Bosch de Michael Connelly ont dû – objectivement – en convenir en découvrant la série en 2015 : le choix de Titus Welliver pour interpréter le rôle du célèbre inspecteur furieux et méthodique semblait condamner d’office celle-ci à l’échec, tant la mollesse désabusée de l’acteur rendait peu crédibles les débordements réguliers de Bosch, et du coup empêchait que le téléspectateur « connecte » avec un personnage qui devenait potentiellement incompréhensible.
Et pourtant, avec le temps, le déroulement minutieux des enquêtes, insistant sur les aspects politiques, voire procéduriers du travail policier, ainsi que l’inscription de la fiction dans un contexte politique et social de Los Angeles, sorte de ville-laboratoire où coexistent des niveaux socio-économiques extrêmement variés et où les tensions sont exacerbées par la multiplication des cultures, sont devenus progressivement plus cohérents par rapport au travail littéraire de Connelly. Comme, en parallèle, nous nous habituions au style particulier de Welliver, cinq ans plus tard, après quatre saisons en montagnes russes – les saisons 2 et 4 étant les sommets de la série -, il semble qu’on y soit, finalement ! Voilà enfin la saison qui rend honneur aux livres de Connelly… alors que c’est peut-être celle qui a l’audace de s’en éloigner le plus : faisant sortir Bosch de sa « zone de confort » en l’envoyant en mission d’infiltration au bord de la Salton Sea, offrant à son partenaire Edgar – joliment interprété, de manière subtilement décalée, par Jamie Hector – un passé haïtien qui va revenir le hanter, faisant passer son héros « incorruptible » mais constamment « borderline » du côté des avocats manipulateurs honnis, les scénaristes de cette cinquième saison osent casser la routine de Bosch et touchent enfin le jackpot.
Bien sûr, certains défauts sont toujours là, mais ils ont fini par constituer l’essence d’une série définitivement pas comme les autres, et pas pour tous les goûts : ce mélange de mollesse anti-commerciale et de complexité inhabituelle (on dépasse cette fois l’intrication coutumière de deux fils narratifs, et on en arrive à la fin à trois, puis quatre histoires mêlées, qui, et c’est un soulagement vu les pratiques actuelles des scénaristes, ne se rejoignent jamais) font que Bosch requiert beaucoup d’attention de la part du téléspectateur ! Qui plus est, cette saison ne boucle pas toutes ses intrigues, nous faisant saliver quant à la suite…, mais surtout retournant à une pratique antérieure du genre, quand chaque saison n’était pas encore devenue une sorte de (très) long métrage.
Une délicieuse surprise que cette série qui, au contraire de 99% de ses concurrentes, a fini par se bonifier en vieillissant !
Eric Debarnot
Bosch (Saison 5)
Série TV américaine créée par Michael Connelly et Eric Ellis Overmeyer
Avec Titus Welliver, Jamie Hector, Amy Aquino
10 épisodes de 45 min environ
Mise en ligne en avril 2019 (Amazon Prime)