Le rennais Matthieu Eveillard, expatrié depuis quelques années à New York, revient avec Petit Sauvage #1, son nouvel album qui ouvre sa musique à d’autres propositions. Qu’est ce qui a bien pu nourrir ces chansons ? Réponse en musique avec l’intéressé.
On avait adoré Tous nos feux brûlent la nuit en 2017 mais aussi New York en 2016, deux disques de Matthieu Eveillard, français vivant à New York. Autant ses deux premiers efforts se répondaient l’un à l’autre avec une belle cohérence folk, autant Petit Sauvage #1 emprunte des chemins bien différents. Tentons de comprendre, entre les lignes, les raisons de cette nouvelle voie entamée par Matthieu Eveillard.
5 disques du moment :
Yacine Boularès + Vincent Ségal + Nasheet Watts – Abu Sadiya
Très beau disque de musique de chambre tunisienne. C’est un mélange de jazz avec de la transe nord-africaine mais tout acoustique, en nuances. Les compositions sont inspirées du Stambeli, un culte de possession musico-thérapeutique…Et c’est vrai qu’il se passe quelque chose quand on rentre dans cette musique. C’est aussi la rencontre de 3 musiciens exceptionnels.
Dadalon – Dadalon
Ces gars là en live c’est quelque chose. Le batteur qui part en polyrythmie et joue en même temps avec sa main gauche des parties de basse au synthé… Le guitariste qui sonne comme deux… Le batteur a été pendant longtemps dans le trio d’Avishaï Cohen, et le guitariste a bossé avec Pat Metheny… Pourtant leur musique est pas trop jazz, ils appellent leur style rétro-futur, pour moi c’est une sorte de rock planant à la Radiohead très chiadé musicalement, totalement instrumental et parfaitement inspiré. Une des plus belles découvertes faite à New York depuis 3 ans.
Paolo Pandolfo – Travel Notes (New Music for the Viola Da Gamba)
La Viole de gambe est toujours associée à des répertoires anciens, et ce disque est très frais parce que moderne et insufflé de jazz, avec trompette et une superbe voix de femme. Ce disque a une sonorité un peu fantomatique que j’aime beaucoup. C’est une musique qui fait voyager loin.
Bertrand Belin – Persona
C’est un disque remarquable. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été saisi par un disque en français de cette qualité. Le son est top, ce mélange assez minimal de synthés avec des petites touches de cordes, de guitares, de dissonances, et puis bien sûr la voix de Bertrand, les textes… C’est super bien fait. J’apprécie particulièrement l’écriture de la chanson Bronze, très cinématographique. Il parle d’un parc, avec ses symboles de puissance, les lions de pierre, les aigles… et puis une famille passe par là, et alors on suit un pauvre gars sur un banc qui fume du tabac glané par terre. C’est simple, efficace, il ne dit pas grand-chose mais ces mots sobres suggèrent un tableau de la société qui est très touchant.
Dr John – Gris Gris
J’ai réécouté Gris Gris la semaine dernière, après l’annonce de son décès. Quelle claque… J’ai eu l’occasion d’aller à la Nouvelle Orléans l’année dernière et c’est éclairant pour rentrer dans sa musique. C’est le duc du cool. Je préfère sa Litanie des Saints mais il y a tellement de choses dans Gris Gris : le jazz, le vaudou, le créole, beaucoup de percussions, de bruits bizarres au loin… On a l’impression d’assister à un rituel vaudou…
5 disques pour toujours :
https://www.youtube.com/watch?v=bhwfbZgXE68
Daniel Waro – Bwarouz
Dans ce disque il y a plusieurs chansons qui me donnent toujours le frisson. C’est l’éclair capturé dans la bouteille. Sa chanson sur Mandela, celle sur sa mère (Aneil), Boulouze… La vibration africaine, la transe de la maloya, les textes poétiques en créole, et bien sûr la voix au cordeau de Waro : c’est phénoménal. C’est dommage que ses textes ne soient pas davantage traduits en français ils sont magnifiques.
Leonard Cohen – Live Songs
On parle souvent de la trilogie des « Songs » mais il y a en fait 4 albums. Et ce quatrième disque, qui est live, c’est un peu le dark-folk avant l’heure : on plonge dans les abîmes… Leonard c’est un modèle. J’ai vu l’exposition qui lui est consacré au Jewish Museum et je dois dire que rien n’entame cette idée. Il suffit d’écouter ce discours d’Astoria pour s’en rendre compte. C’est un maître qu’il FAUT écouter.
Tim Buckley – Live In London
J’ai choisi ce disque parce qu’il contient beaucoup de morceaux forts d’albums classiques comme Happy /Sad ou Goodbye and Hello. Et le son est d’enfer ! Après avoir découvert Buckley père, j’ai acheté une douze cordes. Ça m’a occupé quelques années mais… jamais pu choper le son.
Scott Walker – Tilt
Ma came. Total, incontournable.
Alain Bashung – L’Imprudence
Pas vraiment un disque estival mais je me fais une petite cure d’Imprudence chaque fin d’année. La poésie, la richesse des arrangements musicaux, l’audace d’une telle production musicale (comme Tilt d’ailleurs) : il faut revenir à de tels chocs quand le puits est à sec. Ça ressource.