On a beau avoir découvert sur le tard l’univers bigarré et hanté de Lidwine de Royer Dupré à la faveur de la sortie de son dernier EP, le bien-nommé Nocturne, on s’est empressé de rattraper son retard en découvrant le reste d’une discographie souvent passionnante qui joue avec l’évidence de certaines références, Björk en tête et l’envie de dénaturer son propos pour en extraire une singularité toute personnelle. Il devient donc urgent de se plonger avec la dame dans la musique qui l’a constituée et qui la construit encore actuellement.
Comment se construire une identité propre quand on est un artiste en plein devenir ? C’est le dilemme quasi existentiel auquel est confronté tout musicien qui tente de s’émanciper de ses influences. Il faut parfois pour cela les assumer pleinement, les écouter jusque l’acouphène sourd, jusqu’au dégoût, jusque cet instant où l’on parvient à en extraire cet accident qui traduit pleinement ce que l’on est et ce que l’on deviendra. Lidwine de Royer Dupré s’est prêtée pour Benzine Magazine à l’exercice délicat du retour sur une généalogie musicale qui, l’air de rien, dresse finalement l’autoportrait d’une sensibilité profonde et ouverte.
5 disques du moment :
Laura Perrudin – Poison & Antidotes
Une harpe (chromatique et électrique, spécialement conçue pour Laura Perrudin par un luthier français), un laptop, un looper, des pédales d’effets et une personnalité bien tranchée. Des mélodies riches et complexes qui me font parfois penser à celles de Michel Legrand. Des textes ciselés, délivrés par une voix tout aussi précise. Du jazz, mais pas que. L’album donne à entendre l’étendue de ses capacités et son goût pour l’expérimentation.
Kelsey Lu – Blood
D’abord une voix mufti facettes, un phrasé très personnel et puis une incroyable liberté dans les styles abordés, la composition et la production. Des cordes très présentes, elle est violoncelliste de formation. Un univers personnel et fantasque, un pied dans le monde de l’art et de la musique contemporaine et l’autre dans un r’n’b actuel et indépendant. De l’intensité, mais aussi de l’humour. Je zappe toujours la reprise de 10cc I’m not in Love, mais je pourrais écouter le reste de l’album en boucle.
Solange – When I Get Home
J’ai découvert Solange avec son précédent album A Seat at The Table, pour moi un classique. Je pense que When I Get Home en est également un. Elle va plus loin cette fois, rythmiquement et mélodiquement. Une sorte d’abstraction se dégage de l’album. C’est très intelligent, cérébral et sensuel, profond et léger, précis et libre. Les vidéos qui accompagnent les morceaux sont des tableaux magnifiques.
Sampha – Process
Une voix reconnaissable entre mille. J’aime ses innombrables trouvailles en production et sa profonde sincérité.
Tamino – Amir
Quand Tamino se met à chanter, pour moi, le temps s’arrête. L’album me fait penser au Grace de Jeff Buckley par sa sincérité, son intensité, même si toutes deux se développent de manières différentes chez l’un et l’autre. De facture assez classique contrairement à ce que j’écoute habituellement, je pense que c’est avant tout la voix de Tamino, ses mélodies aux accents orientaux et sur certains morceaux, l’intervention de sublimes cordes (orientales également) qui me font vibrer.
5 disques pour toujours :
Gavin Bryars – The North Shore. Intermezzo Allegrasco
Cet album m’a accompagné lorsque, toute jeune adulte, j’ai décidé de faire une pause, de m’isoler (sur la côte ouest du Cotentin) et de réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Cette pièce épurée pour clarinette, violoncelle et piano sera pour moi toujours liée à ces quelques mois entre parenthèses et aussi à la littérature scandinave que je dévorais à l’époque : Einar Mar Gudmundsson Les Anges de l’univers, Herbjorg Wassmo Le Livre de Dina, Selma Lagerlöf L’anneau du Pêcheur etc…
Prince – Parade
Prince est sans doute l’artiste que j’ai le plus écouté, bien que je ne connaisse pas tous ses morceaux. Sur la quantité, il y a des perles et il y a des choses que je n’aime pas du tout. Parade a longtemps été mon album préféré. Des ambiances étonnantes, des choix de production/ d’arrangements tranchés: New position (percussions et basse), Kiss (pas de basse) par exemple… Un album pas trop long ce qui n’a pas toujours été le cas avec Prince… Mais j’aurais pu en choisir un autre. l’important c’est que Prince soit présent dans les 5.
Leila – Like Weather
Premier album de Leila. Je l’ai écouté en boucle à l’époque. Un monde sonore original, organique et personnel.
Björk – Homogenic
Je pense que cet album a représenté une claque pour bon nombre de personnes et de musiciens. Il ne vieillit pas et c’est la force des grands albums. Il est lyrique, il est rugueux, il est superbement écrit et arrangé. Chose amusante, j’ai longtemps eu du mal avec Bachelorette, j’ai appris à l’apprécier avec le temps. J’ai été tout de suite plus attirée par des morceaux comme Hunter, 5 Years, Immature, Joga ou Pluto.
John Coltrane – A Love Supreme
J’aime le jazz et j’aime particulièrement l’écouter en fin de journée, début de soirée en cuisinant. A Love Supreme m’accompagne depuis des années, j’y reviens régulièrement. Il m’apaise, me réconforte, me recentre.