Même en étant habitués à la vaste palette musicale de nos chers Australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard, la publication d’un album entier de Heavy Metal comme Infest the Rats’ Nest s’avère une surprise. Pourtant, derrière le fun de cette démarche iconoclaste, se cache un constat alarmiste (et pas idiot du tout) sur l’état de la planète.
Puisque le monde va s’effondrer sous la pression de la race humaine dans les prochaines décennies, puisque toute idée de fuite vers d’autres planètes, comme certains en rêvent, n’est qu’une illusion promise à l’échec, nos amis mutants australiens se sont dit qu’ils tenaient là le parfait prétexte de nous pondre un nouveau volet de leur aberrante saga protéiforme : Infest the Rats’ Nest, le nouveau King Gizzard & The Lizard Wizard – et leur second album en 2019 après le suave et boogie Fishing for Fishes – sera donc un disque de thrash metal millésimé « années 70 » (pas sûr que ça existe, mais bon…), au service de textes apocalyptiques furieusement pessimistes (ou réalistes, suivant les préoccupations de chacun quant à la situation environnementale…).
Et même si le groupe s’était déjà laissé aller çà et là à des déflagrations metal du plus bel effet, comme sur le redoutable Nonagon Infinity, c’est la première fois qu’il embrasse aussi fièrement, et quasiment sans second degré, les oripeaux de la tribu des « métalleux », allant jusqu’à en reprendre les codes vocaux les plus extrêmes ! Même si la préoccupation de Stu Mackenzie quant à la proximité d’une apocalypse terrifiante vaudra certainement au groupe – se présentant d’ailleurs exceptionnellement ici en formation des plus réduites, en trio guitare / guitare / batterie – un maximum de sympathie dans nos contrées, il n’est par contre pas certain que leur public psyché-garage-progressif habituel les suivent sur ce nouveau terrain musical extrême, ni à l’inverse que les fans de heavy metal accueillent à bras ouverts ces nouveaux venus dont le dilettantisme contraste franchement avec les codes de comportement du genre.
Mais, soyons honnêtes, nous qui ne sommes pas non plus des puristes du heavy metal, nous sommes ravis de pouvoir « headbanguer » intelligemment, hurler d’excitation et d’horreur sur des morceaux speedés à l’irrésistible immédiateté tels que Planet B (« There is no Planet B! / Open your Eyes and See! »), l’épileptique Organ Farmer ou le radical, et hilarant Self-Immolate (« Venusian, gather while I / Venusian-ly catch on fire / Auto-cremate / Self-immolate ! ») paru en single annonciateur de ce nouveau délire en mai dernier. Et nous attendons de pied ferme les versions live de ces morceaux qui deviendront à coup sûr de nouveaux classiques sur scène d’un groupe qui n’a pas fini de nous étonner et ni nous réjouir.
Eric Debarnot