Here Are the Sonics en 1965 venait bousculer un Rock’n’Roll en pleine mutation. Ce proto-Punk sauvage et jouissif allait, dans les années suivantes, faire de nombreux émules. A peine un an plus tard, les Sonics remettent le couvert avec Boom et viennent sceller définitivement la transformation – il y en aura d’autres – du genre, offrant de nombreuses pistes, des possibilités infinies aux successeurs affamés de Rock dur et sans concessions. Quand notre coeur fait BOOM !
Quand les Sonics déboulent en 1965 de leur Tacoma natal (État de Washington), c’est beaucoup plus qu’un vent nouveau qui viendrait rafraîchir ta nuque rougie, c’est une tornade, un ouragan qui s’abat sur un Rock balbutiant. En 1965, poser le vinyle d’ Here Are the Sonics sur ta platine c’est comme ouvrir ton frigo au diable de Tasmanie ou offrir ton fessier à Rocco Siffredi : Un carnage ! Here Are the Sonics file un coup de pied au cul aux bonnes manières et viens salir d’une trace de pneu assourdissante le slip propre de ces Yéyés au sourire un peu niais.
Le premier titre de cet album essentiel vient te cueillir avec un roulement de caisse claire sec comme un trait de Whisky à huit heures du mat’ et des grésillement plein la bouche.
Le ton est donné.
C’est parti pour quarante cinq minutes d’amplis maltraités, de micros dévorés et de larsens dangereux.
Des pépites brutes tombent de la paroi Rock direct sur tes arpions. Des pépites déterrées à coups de pioches par Gerry Roslie (Chant, keyboards, hurlements bestiaux…).
Des morceaux originaux foutrement efficaces trempés dans l’acier (Le transpirant Boss Hoss et des reprises survitaminées au son crade et au rythme endiablé ou encore le Roll over Beethoven de l’esthète Chuck Berry passé à la moulinette rouillé des mômes).
Fort du succès que remporte leur premier disque (The Witch notamment), les voilà repartis à peine un an après pour leur second skeud. La formule ne change pas.
La violence d’une porte qui te claque sur le pif et un Rock en surcharge de cocaïne.
Les Sonics ouvrent le bal avec Cinderella où les hurlements de Roslie et la vigueur de son boy band annonce dangereusement que c’est autre chose que sa pantoufle de vair, quelque chose de plus précieux, que va perdre la belle Cendrillon au bal de fin d’année.
Louie Louie le classique de Richard Berry (Pas le nain yaourtovore, le vrai.), la reprise Rock par excellence (Otis Redding, Beach Boys, MC5, Clash ou Motorhead…) vient de trouver entre les mains graisseuses des gamins de Seattle sa raison d’être, sa véritable essence Rock, sa carcasse pour les années à venir.
Une ribambelle de titres Rock, Rockabilly, mais pas que. The Sonics possèdent une surprise cuivrée au fond de leur besace : un saxophone.
Un Sax cabossé qui vient chatouiller le slip en fer forgé de ce Rock brutal.
Un Sax bouillant qui injecte une rasade de Soul Black dégoulinante dans les veines encore palotes d’un Rock en cours de dépucelage, offrant une moiteur inédite à ce Proto-Punk en gestation.
Un Boom qui vient enfoncer le clou rouillé dans la main du Rock’n’Roll et ouvrir les portes aux grands « salisseurs » de styles (MC5, The Stooges, The Cramps ou plus près de nous les White Stripes) des années à venir.
Un groupe méconnu et longtemps sous-estimé (seulement 3 albums et un come back en 2015) mais essentiel dans la compréhension d’un genre qui quelques années plus tard va se durcir et faire éclore une génération désenchantée sur le devant de la scène (Le sax cauchemardesque du Fun House des Stooges comme l’écho malsain du sax rouillé des Sonics).
Les Sonics ont sorti le Rock du Garage, ils ont lâché la bête. Ouvert cette putain de boîte de Pandore…Et pour ça : MERCI !
Renaud ZBN
The Sonics – Boom est sorti en février 1966 sur Etiquette Records.