Les deux groupes phares actuels de la jeune scène rouennaise, MNNQNS et We Hate You Please Die, sont venus jeudi soir respirer le bon air pur de Paris et bouter le feu à une Maroquinerie qu’ils ont mise à genoux !
« Alors on vient de Rouen, ou de ce qu’il en reste… »
La pertinente introduction de Raphaël, le leader inspiré de We Hate You Please Die, qui ouvre la soirée, est un excellent thème pour ce concert des deux groupes rouennais les plus impressionnants du moment, WHPD donc, et leurs « mentors », ceux qui leur ont donné envie de faire de la musique, MNNQNS (prononcez Mannequins…). Pendant que Rouen, notre Seveso national, stresse sous la menace de vapeurs « nauséabondes mais non toxiques », comme l’a juré le gouvernement, eux sont venus respirer l’air pur de Paris !
20h00 : Incroyable entrée en matière, rageuse, névrotique et très inspirée (Melancholic Rain / Rita Baston), pour We Hate You Please Die : on jurerait que c’est l’un des plus beaux brûlots qu’on ait entendus cette année, avec en surplus un vrai supplément d’âme, de l’humour et une certaine théâtralité bien venue ! Raphael, sorte de version miniature de Reda Kateb, si l’on veut, fait le show – et quel show ! – tandis que le trio basse – guitare – batterie, impassible, austère presque, balance les boulons. Avouons-le, c’est exactement comme ça qu’on l’aime, notre musique : énervée, mélodique juste ce qu’il faut, modeste mais quand même spectaculaire. Oh, tout le set ne sera pas au même niveau, mais peu s’en faut quand même : d’ailleurs, sur Minimal Fonction, chanté par la blonde bassiste, Raphael descend dans la salle danser avec les fans et admirer ses comparses de notre point de vue de spectateurs… Barney se termine par une apothéose de cris bestiaux, et on finira les 30 minutes réglementaires par le titre éponyme, rugueuse déclaration d’intention, en conclusion bruitiste. Il y en a qui qualifient la musique de WHPD de garage rock, mais cela nous paraît bien paresseux… WHPD ont déjà acquis une excellente réputation, absolument méritée.
21h00 : le set de MNNQNS, très attendu par une Maroquinerie qui a fait le plein et est chaude comme de la braise, commence dans une ambiance solennelle et sombre, Marc martelant lentement, dans l’obscurité, son clavier avec une baguette, jusqu’à ce que le quatuor tout entier s’installe.
Trois musiciens longilignes à la posture impressionnante, à la beauté et à l’élégance “classiques”, pourrait-on dire : cheveux très longs, vêtements soignés, poses Rock qui semblent bien étudiées, il y a peut-être là un écho au nom du groupe, non ? Heureusement, le batteur, cheveux courts et style beaucoup plus pragmatique, qui va durant tout le concert conduire une bonne partie de la communication avec le public, vient ramener tout ce joli monde à la réalité. Et heureusement aussi, la relative rigidité de la musique de MNNQNS, perceptible déjà sur l’album, explose régulièrement quand les morceaux partent en vrille et que le groupe se laisse aller à la furie sur scène. Et enfin, le grand sourire d’Adrian vient souvent illuminer un visage à la beauté frappante, trop parfaite.
Ce set d’un peu plus d’une heure sera avant tout consacré à cela, qui correspond à la fameuse déclaration d’intention du groupe : « Ecrire la meilleure chanson du monde pour la saloper sans respect ! ». On ne dirait pas encore que les efficaces et jouissives Fall Down ou Desperation Moon, certes très accrocheuses, sont les meilleures chansons du monde, mais la manière dont MNNQNS joue avec les dissonances et les rythmes décalés, sans pour autant sacrifier l’accroche mélodique de refrains convaincants est réellement impressionnante… Même si c’est, répétons-le, quand le groupe pète littéralement les plombs qu’il devient vraiment passionnant.
Plus le concert avance, plus on sent que le set est en train de basculer vers la frénésie, et la belle froideur des débuts n’est plus qu’un souvenir. Le public est très, très chaud, ça se bouscule pas mal et le mosh pit a grossi au point d’envahir presque tout le parterre de la Maro. Mais c’est une reprise superbe du Totally Wired de The Fall – preuve de bon goût – qui va faire basculer réellement le concert. A partir de là, c’est à fond que les musiciens dévalent les derniers morceaux de la soirée, jusqu’à un final réellement grandiose, entre chaos sonique, plongeons dans la fournaise du mosh pit et destruction des instruments ! (Tiens, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu un bassiste exploser aussi sa guitare basse – pas la Rickenbacker, rassurez-vous à la fin d’un set !).
De vrais mercis, du fond du cœur et les yeux dans les yeux, de la part du batteur, et il est indiscutable que MNNQNS est un groupe engagé, sincère, et beaucoup plus explosif finalement que sa musique pourrait a priori le faire penser. Tout le public de la Maro semble baigner dans ce bonheur si particulier qui suit un concert Rock – un double, ce soir – parfaitement réussi, et c’est la foire d’empoigne au stand de merchandising.
Bien joué, les Rouennais !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil
Les musiciens de We Hate You Please Die :
Raphaël Balzary – chant, guitare
Joseph Levasseur – guitare, chant
Chloe Barabé – basse, chant
Mathilde Rivet – batterie
La setlist du concert de We Hate You Please Die :
Melancholic Rain (Kids are Lo-Fi – 2018)
Rita Baston (Kids are Lo-Fi – 2018)
Structure (Kids are Lo-Fi – 2018)
Got the Manchu (Kids are Lo-Fi – 2018)
Kill Your Buddy (Berserker) (Kids are Lo-Fi – 2018)
Minimal Function (Kids are Lo-Fi – 2018)
Barney
Hortense (Kids are Lo-Fi – 2018)
We Hate You Please Die (Kids are Lo-Fi – 2018)
Les musiciens de MNNQNS :
Adrian – chant / guitare
Grégoire – batterie
Félix – basse
Marc – guitare / clavier
La setlist du concert de MNNQNS :
Intro
Bored in This Town (Advertisement EP – 2018)
If Only They Could (Advertisement EP – 2018)
Fall Down (Body Negative – 2019)
Wire (Down to the) (Body Negative – 2019)
Urinals (Body Negative – 2019)
Drinking From the Pond (Body Negative – 2019)
Limits Of Town (Body Negative – 2019)
NotWhatYouThoughtYouKnew (Body Negative – 2019)
Totally Wired (The Fall Cover)
Desperation Moon (Body Negative – 2019)
Come to Your Senses (Capital EP – 2016)
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