En attendant la troisième saison, annoncée pour le début de l’année prochaine, penchons-nous à nouveau sur la seconde saison de Westworld : alors, chef d’oeuvre absolu ou ennuyeux ratage ? Le débat reste ouvert…
Westworld a tout du phénomène « baudruche », exagérément encensé lors de sa première saison, qui se dégonfle pitoyablement dès la seconde. Une bonne partie du public a en effet purement et simplement décroché au fil des 10 longs, longs et parfois pénibles épisodes, qui ont vu Jonathan Nolan – coutumier du fait, n’ayons pas peur de le souligner – et Lisa Joy complexifier à outrance leur narration, le tout pour traiter des thèmes qui par eux-mêmes ne sont pas simples. Même si Nolan a semble-t-il pris de haut les critiques lui reprochant les excès gratuits d’une conception entre-mêlant, plus encore que dans la première saison, plusieurs temporalités, mais également « réalité » et « virtualité », accusant la paresse intellectuelle du téléspectateur, on peut aisément lui rétorquer, comme Boileau, que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement »…
On ne peut clairement pas nier l’intérêt de cette « réflexion » sur la nature de l’être humain (« un algorithme plus simple et plus primitif que ce que l’on aurait pu croire », comme il est dit en conclusion ici), la difficulté de vivre dans un univers « sans dieux », les défis que pose / posera bientôt une IA qui nous sera supérieure (peut-être même moralement, c’est l’un des grands sujets de cette seconde saison…), et, comme chez Philip K. Dick, les labyrinthes infinis de la réalité, qui n’est clairement plus ce qu’elle était ! Par contre, il est vraiment difficile de penser par soi-même à ces beaux sujets potentiels quand on passe son temps à essayer de remettre en place les morceaux de ce puzzle multi-dimensionnel qui nous est gratuitement imposé, et qui nous prive finalement aussi du plaisir simple de contempler un spectacle qui est parfois, admettons-le, assez saisissant : le déferlement des taureaux-robots balayant le commando de « nettoyeurs », pour ne citer qu’un exemple, est une scène à l’étrangeté et à la beauté qui dépassent largement le discours assez pédant finalement de la série !
Une grande faiblesse de Westworld, déjà perceptible dans la première saison, est l’aspect sentencieux des dialogues – souvent des monologues, d’ailleurs – de personnages qui nous livrent d’interminables considérations obscures sur le sens de tout cela, au point de sombrer même de temps en temps dans le ridicule absolu. Bien sûr, on ponctue le tout d’échanges de coup de feu, mais cette alternance discours pontifiants / violence brutale devient tellement systématique qu’elle ne fait littéralement plus d’effet, au bout d’un moment. De même, la série loupe complètement sa délocalisation vers d’autres « parcs », que cela soit l’Inde des Maharadjas, vite évacuée, ou le Japon des samouraïs, totalement schématique et grotesque (témoignant bien de l’incompréhension profonde des Américains vis à vis des cultures orientales, soit dit en passant…), ce ne sont là que des visites « touristiques » qui n’apportent rien.
A l’inverse, la bonne surprise s’avère l’inclusion dans la série de scènes émotionnelles crédibles, fortes parfois, justifiées par le scénario qui nous montre les « I.A. » capables de plus de sentiments que les humains : le plus bel épisode de tous est ainsi le huitième, se concentrant sur l’histoire de l’éveil à la conscience de l’indien Akecheta, un épisode qui prouve que si le sujet de Westworld est bien le questionnement sur la nature de l’humanité, il y a d’autres manières, plus efficaces et plus mémorables, de le traiter que la complexification systématique qui est l’option préférée de Nolan et Joy.
Eric Debarnot