Le Jeune Ahmed des frères Dardenne dépeint le destin d’un adolescent brillant à l’école mais en rupture avec le cocon familial qui s’abreuve de manière radicale dans sa religion musulmane.
À nouveau récompensés au Festival de Cannes 2019, avec un Prix de la mise en scène, Luc et Jean-Pierre Dardenne optent judicieusement pour la caméra à l’épaule afin de radiographier au plus près le jeune Ahmed fanatisé par son imam, déterminé à vivre totalement sa dévotion à Allah, et à combattre pour ce qu’il pense être « une noble cause » afin d’éradiquer « l’impur » autour de lui. Tout au long de ce prenant long métrage, les réalisateurs auscultent chaque événement de manière épurée sans jamais juger, ni mettre de la psychologisation dans le personnage endoctriné d’Ahmed.
La mise en scène opte régulièrement pour de pertinents plans-séquences afin de suivre à hauteur le jeune garçon. La réalisation mue à son contact et enveloppe les évolutions de l’esprit et du corps d’Ahmed, troublé notamment par Louise, jeune fille de son âge qui habite dans la ferme où le jeune radicalisé vient faire des activités inscrites dans sa « rééducation », au sein d’un centre de rétention spécialisé. Ce drame humain structuré par un récit intelligent à la tension constante se questionne sur les thèmes de l’intégration et l’intégrisme sans être donneur de leçon. La narration utilise la tension du thriller pour décliner une intrigue resserrée oppressante au suspense enlevé jusqu’à la fin… Un long métrage politique qui s’appuie sur l’incarnation captivante de l’épatant Idir Ben Addi, gamin potelé effrayant, immature et gauche.
Venez accompagner avec bienveillance le parcours mortifère dérangeant de cet enfant au cœur du réaliste Le jeune Ahmed. Brut. Glaçant. Humaniste. Un choc bouleversant.
Sébastien Boully