Vous souvenez-vous combien nous nous étions sentis abandonnés, il y a 10 ans, quand HBO avait sauvagement interrompu Deadwood, l’une de nos séries préférées ? Eh bien, Deadwood, le Film est l’occasion de panser enfin nos blessures. Mais pas grand-chose de plus que ça…
Lorsque HBO mit inopinément en 2006 fin à la superbe série Deadwood qui atteignait son apogée stylistiquement et thématiquement, la frustration fut intense : comment pouvions-nous être ainsi laissés en plan, après seulement trois (magnifiques) saisons, en plein milieu d’une intrigue de plus en plus riche et tendue ? David Milch tenta, paraît-il, mais en vain, de négocier avec HBO un long-métrage qui lui permettrait de conclure l’histoire qu’il avait en tête. Et on oublia peu à peu les Seth Bullock, Al Swearengen et Alma Garrett, éternels fantômes errants dans une petite ville qui n’avait finalement jamais vraiment eu droit à l’existence.
C’est donc une surprise, 13 ans plus tard, de voir apparaître, dans l’indifférence générale (une fois encore…) ce Deadwood – The Movie, qui, plus qu’un film – puisque littéralement incompréhensible pour qui n’aurait pas vu les 3 saisons de la série – est surtout un cadeau que l’équipe de Milch se fait à elle-même et nous fait par la même occasion à nous, les fidèles frustrés : il s’agit ici, en moins de deux heures, de solder la plupart des comptes qui étaient restés ouverts, sans trop se préoccuper si une telle accélération des événements fait vraiment sens par rapport à la lenteur splendide de la série. D’offrir à tous ceux qui se ce sont investis émotionnellement dans cette oeuvre remarquable une sorte de « closure ». C’est louable, et même parfois bouleversant.
Malheureusement, et au delà du fait que, si notre mémoire est bonne, tous les fils narratifs ne sont pas bouclés, il est difficile de vraiment se laisser embarquer par cette histoire forcée, qui veille à attribuer à chacun la récompense ou la punition qu’il mérite… soit exactement le contraire du nihilisme crasseux, désespéré même, qui caractérisait la série. A la fin de Deadwood, le film, tout est finalement bien dans le meilleur des mondes ! Un comble !
Il reste surtout finalement le plaisir de revoir tous ces gens (acteurs ou personnages, on n’est pas vraiment sûrs) marqués par le temps, en bien – pour quelques uns – ou en mal – pour la plupart, comme pour nous ! Se dégage de ses retrouvailles inattendues une terrible nostalgie, qui aurait pu faire écho à la peinture (désormais un peu convenue, mais bon…) d’un monde, celui du Wild West, en train de changer avec l’arrivée de la civilisation : le téléphone arrive, et le bordel sera transformé en salle de spectacle, tout un symbole. Time Waits for Noone : il est finalement dommage que Milch n’ait pas eu un plus d’ambition – ou de talent – et n’ait pas essayé de faire de cette conclusion le western « crépusculaire » qu’il aurait dû logiquement être.
Eric Debarnot