J’ai un penchant pour le personnage Liam Gallagher et pour son attitude de connard arrogant du rock. Parce qu’il me semble que, affublé d’une voix idoine, c’est un parfait résumé de ce que doit être le rock britannique : de bonnes mélodies, un son, une attitude, et un chant qui envoie du petit bois.
Pile deux ans après un premier essai as you were qui a cartonné en terme de ventes, d’écoutes sur les plateformes et en tournée, Liam remet le couvert avec Why me, Why not? Et comme on ne change pas une équipe qui paie la pension alimentaire de quatre enfants, c’est exactement le même grain que vient moudre la nouvelle livraison: du rock influencé par les Beatles, par les sixties et même, tant qu’à faire, par les compositions d’Oasis, dont Liam ne cache pas qu’il continue de regretter amèrement la séparation. Il en fait d’ailleurs porter le chapeau à un frangin dont le melon serait devenu démesuré (Mais au final qui est le méchant de la famille? Ca fait vendre des interviews en tous cas. ).
Why me? Why not? est d’une évidence telle que rien n’y surprend. Les morceaux pop rock alternent entre gros son et ballades façon John Lennon, dont deux dessins donnent le nom au disque. On retrouve à la fois le son nineties et les bases solo déjà jetées par as you were. Le tout porté, comme l’a récemment dit un Noël revanchard en interview, « un groupe de mercenaires qui se contentent de dérouler le son d’Oasis qu’ils n’ont pas inventé«
Avec une telle introduction tu as envie de détourner tes oreilles de cet album qui pue le marketing Warner. Des forçats des tubes aux manettes dont Greg Kurstin (adepte des grands écarts qu’on retrouve derrière des titres de Lily Allen, Britney Spears, Beyoncé, ou Devo et Foo fighters) et Andrew Wyatt, comme sur le premier album; un disque qui joue à plein régime la carte de la nostalgie pour vieux et de la légende pour une génération trop jeune à l’époque du split de la formation de Manchester : fuir, vite
Oui mais…. Cet album est bon. Simple, direct et entêtant, chargé de bien plus de tubes potentiels que as you were. Merde je suis tombé dedans. Il y a Shockwave qui fleure bon le Stone roses seconde époque, one of us qui flirte avec le baggy des Charlatans, Once qui est une déclaration d’amour au son de John Lennon, Now that I found you qui surprend avec son côté surf dans lequel on avait jamais entendu le frontman avec des choeurs et tout, halo qui étonne avec son piano martelé, chanté comme un vieux Beatles mais où Liam serait à la fois John Paul et George…
On définit l’argumentaire musical de l’album en cinq titres. Mais il y a onze joueurs dans son équipe de tubes pop-rock. Que des numéros 10. Aucun morceau ne rate sa cible. Ça se fredonne , ça se chante, ça se siffle… Ça nous emmène des sixties aux nineties avec des emprunts assumés. Ça va forcément finir album le plus vendu ou écouté de l’année.
Au niveau des paroles, on ne sent pas encore la moindre trace de l’apaisement entre frangins, pourtant annoncée par le plus jeune de la fratrie. Liam traite quelqu’un de traître, de vendu, de sans inspiration, d’aigri, de mal accompagné, de personnalité fragile… Et on se demande vraiment de qui il parle 😂. Plus inspiré que sur le Little James de l’époque Oasis, Liam y adresse aussi Now that I found you à Molly Moorish, sa fille, qu’il n’avait pas encore réellement rencontrée depuis 1998: preuve qu’un cœur tout mou (blessé et meurtri de la fin de son groupe de jeunesse ou de sa relation flinguée avec son frère) bat sous la carcasse de branleur.
La vraie richesse de Why me? Why not? n’est pas que dans la propension à enchaîner les tubes comme d’autres les perles. Non. On sent qu’avec ce second album solo, Gallagher assume l’exercice. Sa voix n’a jamais été aussi bonne. Rageuse et puissante, elle livre le perpétuel combat qu’on lui sait être capable d’engager devant un micro, les deux bras dans le dos. Mais pas que.
Gallagher se pique de chanter plus aigu, plus grave, voire plus mélodiquement, mariant le rock avec la pop. Cette libération vocale s’accompagne de plus de libéralité en matière d’arrangements. Il y a le son britpop de base, celui qui fait qu’en concert il sera aisé de passer du répertoire d’Oasis au répertoire solo: des guitares en overdrive, aiguës qui portent la voix revêche. Mais on entend aussi des choeurs, des sifflements, un piano volé aux seventies ou à Elton John, des dédoublements de la piste voix où on chante à la tierce…. Autant d’enluminures qu’on ne connaissait pas à la recette du rock façon parka monkey Gallagher. Et ça le fait carrément.
Why me? why not? Fait la synthèse entre la nostalgie d’Oasis et le besoin de rock d’une génération qui n’était pas née quand le Supersonic a décollé. Gallagher y livre une lutte contre un frère ennemi qui, in fine, (Noël Gallagher’s High Flying Birds vient de sortir un EP) n’en demandait sans doute pas tant. Liam s’y approprie l’héritage Oasis : on ne fait pas monter Bonehead, premier guitariste rythmique d’Oasis, sur scène lors d’une présentation mancunienne de l’album sans arrière pensée; mais il arrive à se créer ici une légende personnelle en démontrant que son chant y était au moins aussi importante que la capacité à écrire Wonderwall. Why me? why not? est l’album d’un gars qui a pris un coup de marteau sur la tête, à seize ans et en a déduit qu’il voulait être rock star. C’est aussi l’album qui démontre qu’il serait sans doute arrivé à éclater toutes le barrières, même sans la faconde mélodique de son aîné. Année zéro de la nouvelle ère Gallagher?
Denis Verloes
Bien vu.
Adorateur de feu Oasis, on ne peut que se résoudre à avouer que l’album du jeune frangin est 50% rock-bripop, 50% soupe bien accommodée. Et alors ? Avec Beady Eye, il avait tenté de (re)faire du rock – réécouter le fort bon titre « Four letter word » ou l’innovant album « Be » -, et a fini, bien entouré, par comprendre que sa survie et son challenge dans les charts face à son frère, passaient par les songwriters de tubes bien huilés. Qui pourrait lui en vouloir ? Et la recette paie.