Avec une voix plus belle que jamais, et des musiques au diapason, La Féline signe un disque d’une beauté et d’une singularité remarquables dans un registre chanson pop où décidément elle excelle.
Normalienne, agrégée et docteure en philosophie, remarquable théoricienne de la musique dans son livre Dialectique de la pop, Agnès Gayraud est aussi une auteure-compositrice et interprète accomplie dont la carrière musicale a débuté en 2011 avec l’album Wolf & Weheel mais dont l’art a véritablement éclaté au grand jour avec Adieu l’enfance en 2014 signé sur Kwaidan Records, le label du producteur Marc Collin – sur lequel est paru tout récemment le superbe disque de Pierre Daven-Keller (Kino Music).
Depuis, La Féline a continué d’affiner son écriture avec Triomphe (2017) et enfin ce dernier, Vie future, sans doute le plus abouti, notamment dans l’écriture musicale et la production.
Un album dans lequel La Féline se fait plus grave et alarmiste que jamais. Au fil des titres, Agnès Gayraud aborde des thèmes comme la représentation du futur et le temps qui file (Fusée), le dérèglement climatique et toute ce que cela implique sur la vie, la surpopulation, (La Terre entière), mais aussi des choses plus personnelles comme l’arrivée d’un être cher (Visions de Dieu) pendant qu’une autre disparaît (Tant que tu respires), mais sans jamais tomber dans un réalisme froid ou plan-plan, bien au contraire, en apportant une forme de douce poésie, de légèreté qui font sonner le propos de manière tout à fait juste. Et tous ces thèmes forts et touchants se voient ici sublimés par une musique très spatiale et des arrangements superbes concoctés avec son compère de longue date, le producteur et arrangeur Xavier Thiry.
Comme dans ses précédents albums, il ressort de Vie future, une impression de fragilité, de sensibilité, mais surtout d’intimité… des caractéristiques plutôt à l’opposé de ses travaux au caractère foncièrement intellectuel réalisés en parallèle à sa carrière d’artiste, mais qui prouvent en tout cas que les deux activités sont loin d’être incompatibles. Malgré tout, les références philosophiques ou littéraires restent sous-jacentes dans les textes de La Féline mais ne viennent jamais agir comme une barrière entre l’auteure et l’auditeur.
Disque encore une fois riche et passionnant, Vie future aborde des thèmes très variés avec en fil rouge un idée de science-fiction, illustrée par son titre générique qui se pose aussi comme une interrogation sur ce que sera demain, le début ou la fin… comme s’interrogeait un Yves Simon déjà inquiet pour l’avenir en 1981.
Benoit RICHARD