Après Shawnhee Ohio au printemps dernier, l’américain Brian Harnetty démontre l’étendue de son spectre musical à travers Many Hands, cette collection de miniatures pianistiques et minimales, déilcates et fragiles comme un souvenir déjà évanoui.
Pour qui s’intéresse de prés ou de loin aux musiques expérimentales mais aussi au Folk ou au Néo-classique, le nom de Brian Harnetty évoquera forcément quelque chose. On le connaît en particulier pour sa collaboration avec Bonnie Prince Billy le temps de Silent City (2009) mais l’américain n’a que faire des genres ou des contraintes. Maniant aussi bien les vieilles traditions des Appalaches, le Folk à l’os que l’école minimale, il se plait à se poser en anthropologue musical, en révélateurs d’histoires de gens qui ont vécu comme le magnifique Shawnhee Ohio sorti en avril dernier.
Avec Many Hands uniquement disponible en numérique sur sa page Bandcamp, à travers quelques notes éparses de piano, il cherche à ranimer la mémoire perdue comme des photos d’instants passés que l’on n’a pas vécus que l’on tenterait de comprendre. Chez Harnetty, aucune volonté de briller ou d’exécuter des pièces virtuoses, de faire le malin ou des effets de manche. L’écriture est ici plus sensible que cérébrale et laisse dans ses silences appuyées une belle part de suggestion. Dénudée jusqu’à l’os, la musique de Brian Harnetty révèle ses failles et sait se faire accueillante. Il faudra pour pleinement apprécier ces douze plages contemplatives retrouver cet art perdu de l’écoute. En effet Many Hands, malgré son immédiateté, n’est jamais un disque facile et impose une attention nécessaire pour en découvrir les détails et la profondeur.
Se refusant à toute forme de lyrisme et de romantisme trop appuyé, Many Hands s’impose d’emblée du côté des œuvres minimales, celles de Philip Glass en particulier. Toutefois, ce disque a la vertu de nous rappeler que la contemplation est un processus actif et entier si loin de la rêverie et de la torpeur. Contempler, c’est écouter totalement, se laisser imprégner de ce qui nous entoure, délaisser la concentration inexacte, l’intérêt volatile pour l’autre. Ne faire qu’un avec l’instant et celui qui nous parle.
Many Hands impose donc un effort en ces temps où notre intérêt ne dépasse parfois pas la durée d’un post sur Internet. Même si Many Hands est totalement instrumental, il nous raconte bien des choses à l’image des explorations habituelles de Brian Harnetty, sorte d‘Alan Lomax moderne qui cherche à conserver des mémoires, des folklores, des histoires pour qu’elles ne disparaissent jamais totalement.L’américain prend même parfois quelques accents du Glenn Gould des Variations Goldberg comme sur le magnifique Three Hands par exemple.
On pensera parfois à Hans Otte et son Book Of Sounds ou la plasticienne sonore américaine Joanna Brouk pour ce même éloge du dénuement et cette capacité à faire appel à l’imagination de l’auditeur qui saura venir habiller les silences que l’on entend ici. De ce piano parfois joué à une, deux, trois ou six mains se dégage une expression tranquille mais une expression quand même, quelque chose qui ne serait ni affirmé ni déclamé mais plus une suggestion.
On ne saurait trop vous conseiller cet instant précieux ni le beau voyage à laquelle la musique de Brian Harnetty vous invite dans ses pérégrinations dans une cité minière en Ohio ou dans le silence de l’hiver.
Greg Bod