La troisième saison de la réjouissante série policière Goliath louche cette fois vers le fantastique, mais est comme toujours sauvée par la performance impeccable du grandiose Billy Bob Thornton.
Et si on inventait enfin une nouvelle règle absolue de la Série TV (et du cinéma aussi pendant qu’on y est) ? Du genre : « une série avec Billy Bob Thornton ne peut qu’être excellente » ? Car, avouons-le, ce type, qui a toujours été un très bon acteur, est devenu – en même temps qu’il se faisait plus rare – un truc monstrueux. Littéralement hypnotisant. Souvenez-vous, dans la première saison de Fargo, il emportait tout sur son passage. Dans Goliath, polar judiciaire bien troussé de la maison Amazon, qui mériterait bien plus de reconnaissance qu’il n’en a, il fascine, bouleverse, réjouit tour à tour : il tient la baraque à lui tout seul. Grâce à lui, on ferme sans problème les yeux sur les gentilles invraisemblances d‘intrigues qui poussent un peu loin le bouchon dans le genre « le peuple américain contre les méchantes corporations » (David contre Goliath, donc…), tout en empruntant le chemin bien balisé de la rédemption d’un avocat qui fut génial mais dégueulasse et devint alcoolique, avant de retrouver le chemin de la raison et de la vertu.
A priori pas grand-chose de nouveau : il s’agit de mêler nihilisme élégant, critique contre les élus et les riches et violence sporadique (mais efficace), sans oublier une belle galerie de monstres comme on a appris à les aimer : il faut d’ailleurs admettre qu’en « gardien de la crypte » dans la première et la troisième saisons, répugnant, effrayant et intégralement haïssable, William Hurt remplit lui aussi largement son contrat. Bref, une série un peu capillotractée mais toujours passionnante, qui fait frémir, trembler, rire, si l’on sait ne pas trop s’appesantir sur les faiblesses occasionnelles d’intrigues « à trous » ou de certains personnages par trop incohérents. 24 épisodes en tout à date – cette troisième saison à la conclusion terrible pourrait néanmoins bien être la dernière – avec Billy Bob dans presque tous les plans.
La saison 3 nous raconte cette fois le combat de Billy McBride et son équipe pour le moins fantaisiste contre les riches propriétaires terriens californiens s’appropriant la quasi-totalité des réserves d’eau de l’Etat au détriment des populations, et ce, à travers la corruption des politiciens locaux… soit un sujet globalement pertinent en notre ère de violent changement climatique. Le problème de cette saison est qu’il y a une sorte d’évidence dans ce sujet qui en réduit notablement l’intérêt en termes de « suspense ». Conscients de cela, les scénaristes ont cru malin d’ajouter nombre de personnages bizarres, dérangés, parfois franchement cocasses, parfois heureusement un peu inquiétants, qui tirent parfois la série du côté de Twin Peaks. Car Goliath erre désormais à la lisière du surnaturel, avec un recours à des hallucinations – causées par l’usage de drogues indiennes – aussi déstabilisantes pour les personnages qui en sont victimes que pour le téléspectateur. Nombres de mystères nourrissant les premiers épisodes font ainsi craindre que Goliath bascule dans un fantastique un peu facile, avant que des explications rationnelles ne viennent nous rassurer. Sombres prophéties (se réalisant pourtant) et visions torturées (pas forcément loin de la réalité, en fait…) complexifient une intrigue qui serait peut-être sans cela, en effet, un peu trop légère.
Mais ce sont avant tout les nouveaux « bad guys » qui font le sel de la saison : si l’on souffre de voir notre cher Dennis Quaid lui aussi défiguré par une malheureuse chirurgie esthétique, son personnage de grand propriétaire roublard mais finalement généreux s’avère réellement savoureux, tandis que Amy Brenneman, dans un rôle délirant de sœur psychopathe, est littéralement délicieuse.
Alors, Billy McBride aura-t-il échappé à la prophétie qui le condamnait, et reviendra-t-il pour une quatrième saison ? Rien n’est moins sûr, à date… Mais de toute manière, Goliath aura été un véritable plaisir, d’autant plus fin que nous ne l’aurons pas partagé avec la masse des addictes aux séries TV.
Eric Debarnot