La chaîne franco-allemande Arte propose de s’intéresser aux thématiques qui innervent l’œuvre du groupe britannique aux 30 millions d’albums vendus dans un documentaire habilement articulé et soigneusement réalisé.
Aussi populaire qu’exigeant, à la fois accessible et dans l’expérimentation sonore, Radiohead occupe une place à part dans le paysage pop-rock mondial. Mais au-delà de leur musique, déjà largement commentée, quelle est leur philosophie ? Quels thèmes nourrissent leur discographie ? Ce sont ces questions que pose Benjamin Clavel dans son documentaire Le monde selon Radiohead.
Après avoir délivré quelques repères biographiques pour que chacun s’y retrouve – présentation des membres du groupe, formation au lycée, difficile adaptation au succès fulgurant de la chanson Creep – le récit est habilement articulé de manière à la fois chronologique et thématique. Les albums du groupe sont évoqués les uns après les autres, tout en dégageant petit à petit des grands thèmes par le truchement de divers interlocuteurs : biographe, auteurs, musicologue, et même le ponte de l’expérimentation électronique Steve Reich.
Il y est question de la double pensée orwellienne, du thème chomskien de la fabrication du consentement ou encore du No Logo de Naomi Klein, dont la lecture a fortement inspiré Thom Yorke et comparses. Certains paradoxes sont ainsi mis au jour : les textes et postures de Radiohead portent une tendance technophobe alors que leur musique se tourne allègrement vers les possibilités des machines, ils critiquent le consumérisme tout en proposant un abondant merchandising…
La réalisation fluide et soignée rend l’ensemble agréable et abordable. Le portrait dressé est celui d’une formation à la conscience politique marquée, ancré dans son époque, dont la pertinence et la prescience ont nourri une œuvre riche et jamais figée.
Florian LAPORTE