Les énormes succès de Clandestino et Próxima Estación: Esperanza ont hissé l’ancien frontman de la Mano au sommet des charts internationaux (Europe, Amérique du Sud, Asie…) et ouverts de nouveaux horizons à une World Music un peu poussive. Après quatre années d’errance musicale aux quatre coins du globe et de succès à la chaîne, Chao semble vouloir souffler. Le citoyen du monde a besoin de se ressourcer, de retrouver ses véritables racines au lieu de déterrer celles des autres. Manu revient au bercail; il échange les plages de Rio pour le bitume Parisien, la Caïpirinha pour le ballon de rouge et la Bossa-Nova pour le Musette. Bienvenue au bout du monde Manu, bienvenue en Sibérie….Welcome to Paris.
Casa Babylon sonne la triste fin de l’un des groupes majeurs de la scène Rock Française.
La Mano Negra se clashe en pleine tournée Sud-Américaine. La traversée de la Colombie en train vire au cauchemar, la Main Noire décide alors de ranger ses cuivres et sa joie de vivre pour partir vers d’autres horizons (Santi devient Directeur Général d’Universal Music Publishing, Tom Darnal fonde P18 groupe Salsa-Electro bien barré ….).
Manu Chao se retrouve alors au bord du monde, le cul par terre, sa gratte sur le dos et un gros coup de Blues sur les épaules.
Après huit piges a écumer les mers du globe avec ce cirque ambulant, cette clique bruyante et colorée qu’était la Mano, c’est dur de poser ses valoches sur la terre ferme. Reprendre ses esprits, la tête qui tangue encore un peu, tenter d’oublier cette vie en immersion totale depuis dix ans à l’intérieur de ce Barnum roulant aux quatre coins du monde.
Chao continuera cette errance entre l’Afrique et l’Amérique du Sud durant quatre ans encore.
Vagabondant de ci de là, enregistrant tout et n’importe quoi avec ce petit studio portatif qu’il traîne toujours avec lui, griffonnant des bouts de phrases sur des nappes de restos, « jammant » avec les musiciens de rues de Rio, Dakar ou Barcelone.
Chao fuit la Mano, ses doutes et cette dépression qui le poursuit à chaque fois qu’il pose ses valises.
Les pérégrinations de Manu ne furent pas vaines puisqu’en 1998, il sort dans une confidentialité relative: Clandestino (avec tout de même une belle promo chez les professionnels du disque).
Cette balade musicale à travers l’Amérique du Sud mêlant rythmes Latino, Rock Alter’ et ambiance Reggae, malgré les réticences des grosses radios ( NRJ, Skyrock qui comme d’hab’ ne voient pas plus loin que le bout de leur pif), va cartonner sur le marché Français, en Europe et en Amérique du Sud, popularisant une certaine World Music décomplexée.
Ce road-movie musical mélancolique et parfaitement homogène relance la carrière du leader de la Mano, en fait une star internationale et le porte-parole (involontaire ?) d’un altermondialisme un peu bobo ( Extraits de discours du sous-commandant Marcos sur l’album, contre-sommet du G8 de Gênes en 2001 et autres concerts de soutien au mouvement Alter). Je ne t’aime plus, Clandestino ou Desaparecido viennent bercer délicatement l’été 98 et rafraîchir ton mojito d’une douce brise aux parfums exotiques.
Un succès inattendu et mérité.
trois ans plus tard, sort Próxima Estación: Esperanza où dans cette même veine Latina, Chao réitérera le succès de Clandestino et fera de cet album le deuxième volet très personnel d’un diptyque musical qui prendrait la forme d’un voyage initiatique mélancolique et spirituel.
C’est en 2004, deux ans après le live tonitruant Radio Bemba Sound System que sort dans un format étrange (Livre-CD paru uniquement en librairie et en kiosque, distribué à seulement 150 000 exemplaires) le très beau Sibérie m’était contéee.
Chao délaisse les ambiances chaudes, Reggae ou Salsa et rend hommage à la maison mère, cette ville qu’il a toujours bousculé mais qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
Ce Paris où tout a commencé. Ces concerts de rue mouvementés, ces bars enfumés repères de brigands gouailleurs et de musiciens bruyants.
Paname au grand coeur, Cette maman qui regardait d’un oeil attendri ses gamins turbulents s’amuser dans son jardin, qui a pleuré avec Manu la mort de l’un de ses enfants trop fragile (Helno est mort) et qui accueille à nouveau, les bras ouverts, cet enfant terrible qui rentre d’un long voyage, d’un trop long voyage.
Des chansonnettes à fredonner sur un coin de trottoir.
Une poésie de la rue, simple et accessible, des petites phrases rondes, douces, surréalistes.
Les gimmicks de Chao restent toujours présents, des sonorités latines, ces sons électroniques qui tournent en boucles, ces thèmes musicaux qu’il travaille, retravaille comme un artisan qui peaufine son art dans la répétition du geste.
Manu Chao retrouve son pays d’origine et lui dédie un album à la nostalgie légèrement surannée (peut-être un poil trop long). Un disque de retour aux sources, comme revenir sur ses pas, comme l’émotion de revoir la maison de ses grands parents des années après.
Un album pour se rappeler d’où l’on vient, qui nous sommes.
Un disque comme le baiser affectueux sur le front de ta vieille maman.
Chao est revenu à Paris, il a retrouvé sa Sibérie.
Renaud ZBN