Un livre-enquête sur Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, une bonne occasion de se replonger dans les obsessions du plus culte des cinéastes à travers le récit exhaustif et précis sur la longue fabrication de dernier film du maître.
C’est bien à une plongée dans l’univers d’un des plus grands cinéastes du XXe siècle que nous plonge Axel Cadieux, à travers Le dernier rêve de Stanley Kubrick, le récit (la genèse ancienne, l’écriture, le tournage, la post-production et la sortie) du dernier film du maître. Eyes wide shut, par son ampleur (plus de 400 jours de tournage, des mois de montage) a littéralement tué Kubrick, le faisant aller à bout de ses forces – il est d’ailleurs mort avant la sortie du film.
Véritable travail de journaliste et non de théoricien (avec pas moins de 60 entretiens de proches du cinéaste), Le dernier rêve de Stanley Kubrick donne une vision exhaustive de l’expérience Eyes wide shut ; expérience devant ET derrière la caméra. Axel Cadieux révèle ici une lecture plus nuancée et du film et de Kubrick. Sur le film proprement dit, rares sont ceux qui ont mis en avant le regard nostalgique que porte le cinéaste exilé depuis 30 ans en Angleterre sur sa chère ville de New York – une nostalgie pourtant présente dans les décors.
Et sur Kubrick, en dehors de son ultra perfectionnisme connue et archi-connue (dont les exemples légions feront sourire les fans et grincer des dents les autres), le portrait qui se dessine est également celui d’un chef de bande qui s’entoure d’une garde-rapprochée, une cohorte d’amis techniciens (parfois d’ailleurs techniciens car amis) qui le suivent depuis des années et qui ont gravi avec lui tous les échelons du cinéma. Pour le dire simplement, Stanley Kubrick apparait ici comme fou (on le savait) mais comme potentiellement chaleureux et humain.
À la fin, Le dernier rêve de Stanley Kubrick statue définitivement sur la grande question qui s’est posée au moment de la sortie de Eyes Wide Shut en juillet 1999 : Kubrick mort dans la nuit du 6 au 7 mars a-t-il pu achever son film ? Pour le cinéaste, un film était une « matière en perpétuel changement » et même techniquement terminé – ce qui était le cas de Eyes Wide Shut à part quelques détails de post-prod – pouvant être susceptible d’être modifié jusqu’à la dernière minute. Sans Kubrick, ceux qui restaient ont dû trancher et mettre le mot « fin » à l’aventure. Et cela donne Eyes Wide Shut, un nouveau film hors du commun à mettre à l’actif de Stanley Kubrick.
Denis Zorgniotti