Retour à Azincourt pour assister à la franche déculottée infligée aux Français par le mignon Timothée Chalamet, pardon Henry V, ou comment réécrire l’histoire sans avoir pour autant grand-chose à raconter.
Mais à quoi peut bien servir « le Roi« , le nouveau film de David Michôd produit par Netflix ?
Du point de vue historique – ce qui est quand même le positionnement « naturel » de ce genre de super-production sensée nous ramener à des pages glorieuses ou tragiques de notre Histoire – le Roi est une fumisterie totale, voire même une triste plaisanterie : personnage principal (ce fameux roi Henri V) ne partageant aucun trait commun, ni physique, ni moral, avec le réel souverain d’Angleterre, défiguré, fourbe et cruel, et surtout partisan décidé de la conquête de la France, contrairement à ce qui nous est raconté ici ; affabulation complète en ce qui concerne les péripéties politiques et guerrières de l’épisode de la Guerre de Cent Ans qui sert de prétexte au film ; négligence arrogante quant aux us et coutumes de l’époque, sans parler des armures et des costumes anachroniques, sans doute recyclés d’une production antérieure pour économiser quelques sous. N’en jetez plus, c’est carton plein !
La production, prenant peut-être conscience au dernier moment de ces égarements, a préféré présenter le film comme une simple adaptation de la pièce de Shakespeare, mais il semble – n’ayant pas lu la pièce, il nous faudra nous fier à l’avis d’experts – que, même si le barde ne se préoccupait pas trop de la vérité pourvu qu’il puisse construire l’une de ses sombres allégories sur la condition humaine, Michôd et Edgerton, responsables à quatre mains du… euh… « scénario » ont également pioché dans l’oeuvre originale ce qui les intéressait (?) et vaillamment inventé le reste !
« Qu’importe ! » diront les improbables thuriféraires de cet objet plutôt mal identifié, « pourvu que ça donne une super histoire et un film génial ! »… Et c’est justement là que le bât blesse, parce que, au bout de 2h20 à supporter conspirations de boy scouts et combats en armure dans la boue (se rouler par terre semble d’après Michôd la manière normale de combattre quand on porte cinquante kilos de ferraille sur le corps !), on est bien en peine de dire de quoi le film a bien voulu parler. De l’évolution d’un adolescent idéaliste partouzeur et alcoolique en prince impitoyable ? Il aurait fallu pour cela qu’on accorde à Timothée Chalamet, mignon et impeccable comme toujours, un peu plus d’attention, ou au moins de scènes « signifiantes » ! De la supériorité totale des Anglais sur les vils Français ? Certes, et nul ne saurait contester que la bravoure des guerriers d’Albion a été historiquement bien supérieure à celle de leurs homonymes français, souvent prêts à tourner casaque et s’enfuir au moindre problème. Mais, aujourd’hui, la représentation de cette vilenie et cette bêtise française, brillamment illustrées par un Robert Pattinson grotesque, servira sans doute surtout à réjouir les tenants du Brexit et de Boris Johnson !
Bien réalisé, avec une attention constante au rythme de la narration, impeccable, nous offrant en outre ça et là quelques plans saisissants, Le Roi s’avère toute fois un pur miroir aux alouettes, un objet aussi « élégant » que totalement vain, qui nous offre le spectacle superficiel de pantins s’agitant sans raison et sans conséquences, sans que cette vanité soit elle-même à aucun moment traitée comme un sujet à part entière par un scénario d’une insignifiance grave. Le ridicule final du film, enchaînant « twist » (la révélation de la traîtrise) et happy end amoureux, achève de confirmer ce que The Rover laissait malheureusement présager, le définitif manque de substance de Michôd, habile metteur en scène mais piètre auteur.
Eric Debarnot
https://www.youtube.com/watch?v=QGyt7cZKb1M